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Cette semaine, le rover Curiosity a droit à la couverture pleine page de la revue Science. Suit une salve de cinq publications sur les résultats obtenus par ce géologuegéologue à roues, durant ses cent premiers jours de la mission MSL, après l'atterrissage du 6 août 2012 dans le cratère Gale. En effet, une fois passés les moments médiatiques des annonces en direct, comme la belle photo d'une pyramide, les premiers forages ou les essais de tirs au laser de l'instrument ChemCam, voici venu le temps des publications scientifiques.
Et elles ne déçoivent pas. Tout le monde attendait l'eau sur Mars. La voilà. En soi, sa présence dans le sol n'est pas une surprise. Elle y est connue depuis longtemps et Phoenix, avec sa pelle, avait même mis en évidence de la glace en train de se sublimer (passage direct de l'état solideétat solide à l'état gazeuxétat gazeux).
Le numéro du 27 septembre 2013 de la revue Science : le rover Curiosity en vedette, à l'occasion d'une série de publications scientifiques présentant les résultats d'études menées grâce à lui. © Science
Un dégagement d'eau sur Mars
Les prélèvements de sablesable effectués sur le site Rocknest et analysés dans le laboratoire Sam (Sample Analysis at Mars) ont permis de quantifier l'hydratation du sol. Après chauffage à 835 °C, les minérauxminéraux dégagent des gaz, qui sont séparés par le chromatographe puis étudiés par le spectromètre de massemasse ou le spectromètre à laser (TLSTLS, Tunable Laser Spectrometer). Les instruments ont repéré du dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2), de l'oxygèneoxygène et des sulfuressulfures, mais aussi de l'eau. « Environ 2 % en masse », annonce Laurie Leshin, de l'institut polytechnique Rensselaer et faisant partie des auteurs des publications.
Présenté dans un communiqué de la Nasa, le chiffre fait actuellement le tour des médias, en général accompagné d'un point d'exclamation. C'est beaucoup moins que ce que l'on obtiendrait dans un échantillon de sol terrestre, mais c'est plus que ce que l'on s'attendait à trouver sur Mars. De quoi, paraît-il, extraire de l'eau liquideliquide par chauffage pour les futurs explorateurs de cette planète.
Les traces des prélèvements de sable effectués par la pelle de Curiosity sur le site Rocknest en octobre 2012. La largeur de l'instrument est de 4 cm. © JPL-Caltech, MSSS, Nasa
Les bribes d'une longue histoire racontée par Curiosity
Un composé, contenant du chlorechlore et de l'oxygène, s'est également manifesté, chlorate ou perchlorate, expliquent les chercheurs. La présence de carbonates, qui se forment en présence d'eau, est envisagée. Ces analyses complètent les résultats des tirs laser de ChemCam et de son spectromètre qui étudie à distance le plasma coloré ainsi créé. Les grains les plus fins et la poussière présente dans l'atmosphère sont hydratés, expliquent des chercheurs de l'Irap (OMP, université Toulouse III-Paul Sabatier, CNRS), qui font partie de l'équipe ChemCam. Et cette hydratation, notent-ils, est formée d'une phase amorpheamorphe et non cristalline.
Prise par l'une des deux caméras MastCam, la photographie de gauche montre le site étudié. Le téléobjectif de l'instrument ChemCam a saisi, en noir et blanc, la zone de tir, avant et après. On distingue, à droite, les deux trous créés par le laser et l’on remarque un léger creusement de la cavité : la chaleur a vaporisé la roche, transformée en un plasma qu'a analysé le spectromètre de ChemCam. © JPL-Caltech, Nasa, LANL, Cnes, Irap, IAS, CNRS
La conclusion est la même que celle de l'équipe de Laurie Leshin (avec la mesure de ratios d'isotopesisotopes hydrogènehydrogène/deutérium) : cette composition ressemble à ce que l'on avait trouvé ailleurs, ce qui démontre que les tempêtes martiennes transportent le sable fin tout autour de la planète. Les analyses de CuriosityCuriosity ont donc une valeur globale.
Mais pas seulement, nous démontre l'équipe de l'Irap avec ChemCam : « Les graviers les plus grossiers (quelques millimètres) sont riches en siliciumsilicium, aluminiumaluminium et en alcalins (compositions felsiques). Cette première catégorie, à proximité du site d'atterrissage, semble résulter de l'érosion mécanique de conglomératsconglomérats d'origine fluviatile, vraisemblablement charriés depuis les bords du cratère Gale par la rivière Peace River. Ce type de composition n'avait pas encore été rencontré par les missions orbitalesorbitales précédentes. » C'est donc aussi l'histoire locale - et très ancienne, plusieurs milliards d'années sans doute - que nous racontent par bribes les analyses de Curiosity, à l'époque où l'eau coulait...