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L'intérêt pour les missions de retour d’échantillons est grandissant. Beaucoup de scientifiques les préfèrent à l'envoi d'instruments sur les multiples objets solides du Système solaire. En effet, il n'est pas rare d'envoyer des instruments dans l'espace déjà obsolètes, en raison des délais de développement forcément longs, propres aux missions spatiales. Rapporter des échantillons sur Terre présente l'immense avantage de pouvoir les étudier avec les techniques les plus récentes, comme ce fut le cas avec les échantillons lunaires prélevés par les missions Apollo. Ils font d'ailleurs régulièrement l'objet de nouvelles analyses, au moyen de dispositifs qui n'existaient pas encore dans les années 1970. Ces matériaux ou ces gaz ramenés de l'espace, pas altérés par l'atmosphèreatmosphère terrestre, sont précieux pour étudier les mécanismes de formation du Système solaire.
Encore faut-il les ramener. En Europe, un certain nombre de technologies clés du retour d’orbite sont mal maîtrisées ou pas au point, même si quelques programmes ont déjà défriché le terrain. On citera en exemple le magnifique atterrissage de la sonde Huygens sur TitanTitan, ou le retour d'orbite de la capsule ARD. Il y a eu d'autres initiatives, mais aucune n'a débouché sur des programmes concrets. Les Allemands ont testé un bouclier thermique gonflable sans succès et les Britanniques, après le fiasco de Beagle-2, n'ont plus rien fait.
Quant à l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Esa), on aurait pu penser que ses projets de démonstrateurs de rentrée atmosphériquedémonstrateurs de rentrée atmosphérique planante, comme Ares, ThemisThemis, ou l'Intermediate eXperimental Vehicle (IXV) censé voler en 2014, allaient aboutir au développement d'un véhicule de retour d'orbitevéhicule de retour d'orbite. Or, ce n'est pas la voie qu'elle a empruntée. L'idée de faire évoluer l'Automated Transfer Vehicle (ATV) vers un véhicule de retour d'orbite a été abandonnée, l'agence préférant embarquer à bord du véhicule spatial Orion de la Nasa en fournissant le module de service.
De gauche à droite, concepts d'atterrisseurs MarcoPolo-R proposés par Astrium, OHB et Thales Alenia Space. © DR
Les missions MarcoPolo-R et Phootprint pour 2020 ?
Cela dit, consciente de l'intérêt technologique et scientifique du retour d'orbite, l'Esa a en projet deux missions, dont l'une sera probablement sélectionnée à l'horizon 2020. MarcoPolo-R vise à récupérer et ramener sur Terre des échantillons d'un astéroïde, et Phootprint des matériaux récoltés sur Phobos, la plus grosse des deux luneslunes de Mars.
Il est donc nécessaire pour l'agence de démontrer qu'elle est en mesure de mettre au point une capsule de retour d'échantillons le moment venu. Voilà tout l'enjeu du projet FP7 Rastas Spear (pour Radiation-Shapes-Thermal Protection Investigations for High Speed Earth Re-entry), que nous explique Aurélien Pisseloup, chef du projet chez Astrium Space Transportation.
Cofinancé par la commission européenne dans le cadre du 7e Programme-cadre européen de recherche et de développement technologique (FP7), « ce projet a pour objectif de préparer le design d'une capsule de rentrée atmosphérique », dimensionnée pour les missions MarcoPolo-R et Phootprint, et certaines briques technologiques. L'idée étant de « démontrer que l'on est capable de faire une capsule qui va protéger les échantillons » !
Le projet FP7 Rastas Spear décrypté par Aurélien Pisseloup
Le défi principal est la maîtrise de la rentrée atmosphérique rapide, suivie d'un crash non contrôlé après une décélération très rapide. C'est un « profil de vol qui n'est pas maîtrisé en Europe », souligne Aurélien Pisseloup. Dans ce contexte, la conception d'une capsule de retour d'échantillons nécessite de « solides bases technologiques et une bonne compréhension de l'environnement rencontré lors de la rentrée atmosphérique ».
La capsule est conçue pour protéger quelques grammes de matériaux extraterrestres, de façon à ne pas « les détériorer pendant le voyage du retour, notamment à cause des flux de chaleurchaleur, au moment de la rentrée dans l’atmosphère ». Elle doit également se « conformer aux règles de la protection planétaire » édictées par le Cospar, afin d'éviter de compromettre l'étude scientifique par la contaminationcontamination du site d'origine (risques de germesgermes), et bien sûr de protéger la Terre.
« On part sur une capsule passive [non pilotable, NDLRNDLR], c'est-à-dire qu'elle n'a pas de système de navigation pour manœuvrer et ralentir », poursuit-il. Elle sera d'une très grande simplicité avec pratiquement aucune partie mécanique ou mobilemobile, « gage de fiabilité dans le secteur spatial ». Cette absence de système pour la ralentir et un atterrissage violent sont évidemment « deux points bloquants ». Pour s'affranchir de ces deux contraintes, la seule parade sera à rechercher dans les matériaux dont la capsule sera recouverte et qui ont été choisis par l'Esa. Celui de la rentrée sera de type ablatif, « c'est-à-dire qu'il se dégradera pendant la rentrée », et un autre servira à absorber le choc au moment de l'atterrissage. Pour être récupérée, la capsule sera « équipée d'un récepteur GPS qui indiquera sa position ».