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Trois ans après un premier article consacré à l'impact du Centre spatial guyanais sur son environnement, nous revenons sur cette question à la lecture des relevés pré- et post-lancements qui sont effectués au CSGCSG. Nous avons interrogé à ce sujet Sandrine Richard, ingénieur au service Environnement et SauvegardeSauvegarde sol de la sous-direction de la Sécurité et de la Protection du Cnes.
À chaque lancement, que ce soit avec le lanceur lourd Ariane 5Ariane 5 ou le petit lanceur Vega, le Cnes réalise des « mesures quasi instantanées de la retombée des produits issus de l'énorme nuagenuage de combustion qui se forme au moment du décollage ». À la vue de ce nuage mêlant vapeur d'eau et produits de combustion, on pourrait craindre qu'il nuise gravement à l'environnement mais, comme nous l'explique Sandrine Richard, « il n'en est rien ».
Simulation sarrim de la trace du nuage au sol d'Ariane 5. © Cnes/SDP
Bien que les produits issus de la combustion soient majoritairement émis pendant les deux premières minutes du vol, c'est au moment de la formation de ce nuage de combustion que les risques pour l'environnement sont les plus grands. La trace nuageuse que laisse derrière lui le lanceur pendant son décollage a des effets encore plus insignifiants. En effet, à chaque lancement, que ce soit vers l'est ou le nord, la fuséefusée suivant la même trajectoire, l'impact sur l'atmosphèreatmosphère et la couche d’ozone qu'elle traverse « très surveillé, [...] n'est pas significatif », de sorte qu'il ne « provoque pas de trou qui ne se rebouche pas ». S'il y a baisse de la concentration d'ozone au passage du lanceur, elle est de courte durée, affirme Alex Agapit.
Surveiller une zone de retombées de 700 kilomètres carrés
Pour mesurer les effets de ce nuage de combustion, à chaque lancement d’Ariane 5, le service de Sandrine Richard répartit « 45 petits réservoirs d'eau distilléeeau distillée sur les 700 kilomètres carrés de superficie du CSG ». Leur emplacement est déterminé par un « modèle mathématique qui prévoit le déplacement du nuage de combustion », différent d'un lancement à un autre, en tenant compte de nombreux paramètres météorologiques comme la température de l'air, l'humidité, la force du ventvent et sa direction. « Ce logiciellogiciel permet de se faire une idée très précise de son parcours à partir du pas de tir. »
À la fin de la mission, ces bacs sont récupérés et analysés par l'institut Pasteur de Cayenne afin de déterminer quels ont été les impacts sur l'environnement. Selon les données fournies par le Cnes, la combustion du propergolpropergol, le carburant contenu dans les deux boosters d'Ariane 5, émet à chaque lancement 149,1 tonnes d'aluminealumine (Al2O3), 119,7 t d'un mélange de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone (CO) et de dioxyde de carbonedioxyde de carbone (CO2), mais aussi 89,9 t de gazgaz chlorhydrique (HCl). Les résultats sont sans appel. L'alumine et l'acide chlorhydriqueacide chlorhydrique, « les deux produits recherchés en priorité, ne sont qu'à l'état de traces ». L'impact d'un décollage est donc « très peu significatif et seulement concentré à proximité de la zone de lancement ». Au-delà d'un kilomètre de distance du pas de tir, « on ne mesure plus rien ».
À cela s'ajoute que, si l'on met en parallèle ces résultats avec les mesures sur la flore et la faunefaune faites tout au long de l'année, « on peut dire [qu'un décollage] n'a pas d'impact significatif sur l'ensemble du site ».
Une procédure différente pour le lanceur russe Soyouz
Si ce même protocoleprotocole est suivi pour le lanceur VegaVega, qui « utilise les mêmes produits de combustion qu'Ariane 5 », la procédure est différente pour Soyouz dont le site de lancement se trouve à Sinnamary, à plusieurs kilomètres des installations de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne.
« Le plan de mesure a été adapté aux produits de combustion du SoyouzSoyouz. » Ce lanceur russe utilise du kérosènekérosène avec de l'oxygèneoxygène liquideliquide, « il n'y a donc pas de nuage de combustion pour Soyuz, on parle de trace, comme pour les avions ». Six shelters, contenant des appareils de mesure, sont donc répartis autour du site de lancement afin de « détecter des produits comme le CO2, l'oxyde d'azoteoxyde d'azote, l'oxyde de souffre », soit le même type de pollution que dégage une voiturevoiture ou un avion, par exemple. À ces mesures d'après lancement s'ajoutent des mesures effectuées avant le tir. En effet, les polluants dont il est question « sont des produits présents dans l'air de façon naturelle ». De tels calculs pré-lancement sont nécessaires pour mesurer le bruit de fond.
Un exemple de nichoir installé à proximité des zones de lancement du Centre spatial guyanais. © Cnes/SDP
Des coquilles d’œuf pour surveiller Ariane
À cette surveillance post-lancement s'ajoutera, l'année prochaine, un nouveau type de mesures pour vérifier l'impact des tirs sur la biodiversitébiodiversité du CSG. L'idée est de contrôler l'épaisseur des coquilles d'œuf une fois le poussin éclos. Le Cnes s'appuie sur des études ayant montré que les pluies acides du Nord de l'Europe avaient une influence sur les coquilles d'œufs des oiseaux. La conclusion était que « plus la pollution était importante, plus l'épaisseur de la coquille s'affinait » avec au final des succès reproducteurssuccès reproducteurs très faibles. Le Cnes a donc décidé de répartir dans l'enceinte du CSG, notamment à proximité des zones de lancement, plus de trois cents nichoirs pour récupérer des coquilles d'œuf. « Et ça n'a pas été simple ! » La conception de ces nichoirs doit tenir compte des préférences des oiseaux, variables d'une espèceespèce à l'autre. Il a fallu travailler sur la forme, la taille et le positionnement de ces nichoirs.
En conclusion, on peut dire que le « bilan est très bon, il n'y a pas de dommages autour des pas de tir ». Les effets de l'activité des lanceurs sont très localisés autour des seules zones de lancement et ne s'étendent que très rarement au-delà du kilomètre de distance. Seules des conditions météorologiques très défavorables, comme des vents forts, sont susceptibles d'étendre sur quelques centaines de mètres de plus la zone de retombées.