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Cette fois, le rapport du BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyses), lourd de 230 pages, est définitif. Il complète les trois rapports d'étapes relatant la longue enquête sur l'accidentaccident du vol Air France 447 entre Rio de Janeiro et Paris le 1er juin 2009, qui avait fait 228 victimes. Pour l'essentiel, il reprend les conclusions déjà tirées de l'étude des boîtes noires retrouvées avec l'épave de l'Airbus dans l'océan Atlantique et des informations transmises automatiquement en vol.
Alors que l'Airbus A330 traversait une zone orageuse (il se trouvait dans le fameux Pot au noir redouté des pilotes des premières traversées de l'Atlantique), les trois sondes Pitot, qui mesurent la vitesse de l'air (donc celle de l'avion par rapport à l'air) se sont recouvertes de givregivre et leurs données ont été faussées. Dans le cockpit, leur mesure se traduit par la « vitesse indiquée », ou IAS (Indicated Air Speed), et ce paramètre, crucial pour le pilotage, n'était plus disponible, déclenchant l'alarme sur le tableau de bord. Le mode de pilotage, de « Normal » (une assistance informatisée s'interpose entre le pilote et les gouvernes pour faciliter et sécuriser le pilotage) est passé sur « Alternate 2 », où différents automatismes et protections (empêchant des manœuvres trop brutales) sont désactivés. L'alarme de décrochagedécrochage a retenti, indiquant que l'appareil était trop cabré, puis s'est éteinte et s'est de nouveau manifestée, à plusieurs reprises.
Après trois années d'enquêtes, les événements qui se sont succédé lors des dernières minutes du vol AF 447 entre le 31 mai et le 1er juin 2009, conduisant au drame, commencent à être bien compris. © Idé
Airbus A330 : un équipage déconcerté devant des indications incohérentes
Le commandant de bord, absent du poste de pilotage (où se trouvaient deux pilotes, une situation normale sur des vols de cette durée), est alors revenu. L'étude a montré que durant les 4 minutes et 24 secondes qui séparent le givrage du crash, l'équipage n'a pas bien réagi et a notamment conservé la plupart du temps une position cabrée, maintenant l'avion en situation de décrochage. Les indications faussées, variables et incohérentes ne lui ont pas permis de comprendre, alors qu'il volait dans les nuagesnuages et qu'il faisait nuit, que l'avion descendait avec un taux de chute très élevé, perdant 3 km à chaque minute.
Le rapport de juillet 2011 pointait déjà un fonctionnement trompeur de l'avertisseur de décrochage qui, sur les Airbus, se tait quand la vitesse indiquée descend sous les 60 nœuds (111 km/h) pour éviter des alarmes inutiles au roulage au sol. Lors du vol AF447, les pilotes ont pu croire qu'il fonctionnait à l'envers, puisqu'il se mettait parfois à sonner quand ils baissaient le neznez de l'avion.
Comme dans le précédent rapport, le BEA estime que la formation de l'équipage était insuffisante pour l'entraînement à ces situations où l'IAS est fausse. Mais cette édition ajoute un élément nouveau : l'équipage a pu être trompé par les indications des « directeurs de vol » (ou Fly Directors). Ce système informatique se manifeste sur les écrans par deux petites barres, une verticale et une horizontale, indiquant aux pilotes les actions à effectuer pour mettre l'avion dans une certaine configuration ou sur la trajectoire voulue. D'après le BEA, ces directeurs de vol n'ont pas été désengagés par les pilotes mais, pourtant, « on constate que les barres de tendance des directeurs de vol ont disparu et réapparu plusieurs fois pendant le vol ».
Le trajet du vol AF 447 reconstitué sur Google Earth. L'appareil s'est abîmé en mer, au milieu de l'océan Atlantique. © BEA
Après le crash Rio-Paris, une liste de 41 recommandations
Cette indication fausse s'ajoutait aux mesures de vitesse incohérentes et aux alarmes de décrochages fantaisistes. Dans ce temps si bref, l'équipage n'a réussi à comprendre ce qui se passait : « dans la minute suivant la déconnexion du pilote automatique, l'échec des tentatives de compréhension de la situation et la déstructuration de la coopération de l'équipage se nourrissent l'un l'autre jusqu'à la perte totale du contrôle cognitif de la situation ».
Le BEA termine son rapport avec pas moins de 41 recommandations, dont plusieurs s'ajoutent à celles des rapports précédents, concernant la surveillance par la Direction générale de l'aviation civile mais aussi la formation des pilotes et l'ergonomie du poste de pilotage des Airbus.