Depuis quelques années, les scientifiques ont beaucoup travaillé sur l’impact de la fonte des glaces au Groenland et en Antarctique sur le niveau des océans du monde. Aujourd’hui, des chercheurs s’intéressent plus encore à sept régions en particulier dans lesquelles la fonte des calottes glaciaires et des glaciers s’accélère. Avec pour dommage collatéral d’épuiser les ressources en eau douce dont dépendent des millions de personnes.
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« En Amérique du Sud, dans les Andes ou encore dans certaines régions d'Asie, la fonte des glaciers constitue une source essentielle d'eau potable et d'eau d'irrigation pour plusieurs centaines de millions de personnes. » Et c'est aussi pour cette raison qu'Isabella Velicogna, chercheuse au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa (États-Unis), s'inquiète des résultats des derniers travaux menés par son équipe.
Dans sept régions du monde - que sont l'Alaska, l'archipel Arctique, les Andes du Sud, la région de l'Himalaya, l'Arctique russe, l'Islande et l'archipel norvégien du Svalbard -, en effet, la fontefonte des calottes glaciairescalottes glaciaires et des glaciers s'accélère. « Les ressources en eau douce diminuent de fait plus rapidement chaque année. Cela augmentera le risque de pénurie et de conflits liés à l'eau dans de nombreuses régions du monde. »
Des résultats basés sur des mesures de changement de gravité
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont analysé les très légers changements dans l'attraction gravitationnelle recueillis entre 2002 et aujourd'hui, par les satellites Grace - pour Gravity Recovery and Climate Experiment - et Grace Follow On. Car il faut savoir que les changements dans la distribution de l'eau sont justement responsables des principaux changements dans l'attraction gravitationnelle exercée par notre Terre. Ainsi des mesures de changements de gravitégravité permettent de suivre les variations de massesmasses d'eau, des calottes glaciaires ou des glaciers jusqu'aux océans.
Les chercheurs du Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory estiment que les sept régions du globe mentionnées plus haut ont perdu, chaque année, plus de 280 milliards de tonnes de glace. Sachant que la fonte de 2002 correspondait à 240 milliards de tonnes et que celle de 2019 s'élevait à... 324 milliards de tonnes ! De quoi contribuer, entre 2002 et 2019, à l'élévation du niveau de la mer à hauteur de 13 millimètres. Avec un taux de plus de 0,7 millimètres par an en 2002 et de 0,9 millimètres par an en 2019.
La fonte des glaciers d'Asie centrale menace les ressources d'eau douce
Les glaciers des monts Tian, en Asie centrale, ont perdu 27 % de leur masse et 18 % de leur surface au cours des cinquante dernières années. La neige et la glace qui fondent de ces glaciers sont pourtant essentielles à l'approvisionnement en eau de plusieurs pays.
Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray paru le 20/08/2015
Glaciers couverts de neige dans les montagnes de Terskey Ala-Too, au Kirghizistan. Les glaciers des monts Tian perdent du volume et de la masse à un rythme rapide. © D. Farinotti, GFZ/WSL
Les monts Tian constituent la plus grande chaîne de montagnes d'Asie centrale. Formant de magnifiques paysages de glace, leurs glaciers jouent un rôle important dans le cycle de l’eau de différents pays : le Kazakhstan, le Kirghizistan, l'Ouzbékistan et certaines parties de la Chine, où les populations sont très dépendantes de l'eau issue de la fonte des neiges et des glaces pour leur alimentation en eau.
Les glaciers sont de véritables réservoirs qui stockent de l'eau sous forme de glace pendant des décennies et qui restituent l'eau des précipitationsprécipitations de l'hiverhiver pendant les mois d'été grâce à la fonte. Le phénomène est particulièrement important pour les régions arides qui ne reçoivent quasiment pas de précipitations pendant certains mois. Les glaciers permettent aussi d'équilibrer les volumesvolumes d'eau entre les années humides et les années sèches.
Dans un article paru en ligne dans Nature Geoscience, une équipe internationale de chercheurs propose une reconstitution de l'évolution des glaciers des monts Tian. Ces travaux ont été menés par le GFZ German Research Centre for Geosciences, en collaboration notamment avec le CNRS de RennesRennes. Les scientifiques ont étudié la perte de masse du glacier au cours des cinquante dernières années en utilisant trois approches indépendantes : la gravimétriegravimétrie par satellite, l'altimétriealtimétrie laserlaser et la modélisationmodélisation glaciologique. Daniel Farinotti, principal auteur de l'article explique : « De cette façon, nous avons été en mesure de reconstituer l'évolution de chaque glacier unique ».
Mesures glaciologiques sur un glacier au Kirghizistan (chaîne de Jetim-Bel). Ces données de terrain peuvent ensuite être comparées avec des observations satellite. © D. Farinotti, GFZ/WSL
Le réchauffement responsable de la perte accélérée de glace et de neige
Les résultats de ces trois approches concordent et les chercheurs ont estimé la surface totale de glacier perdue à 2.960 km2. La perte annuelleannuelle, depuis les années 1960, serait de 5,4 milliards de tonnes. Pour Daniel Farinotti, « actuellement, les monts Tian perdent de la glace à un rythme qui est à peu près deux fois la consommation annuelle d'eau de l'ensemble de l'Allemagne ».
Le retrait du glacier s'est accéléré entre les années 1970 et 1980. L'étude montre que l'élévation de la température, notamment en été, est un facteur clé de l'évolution du glacier. « Les mois d'hiver dans la région étant très secs et les montagnes hautes, la plupart des chutes de neige sur les glaciers ont lieu en été. Cela signifie qu'une température plus élevée contribue à la fois à augmenter la fonte et à réduire l'alimentation du glacier. »
En utilisant les dernières prévisions sur le climatclimat, qui prévoient un réchauffement de 2 °C supplémentaires des températures estivales entre 2021 et 2050, les auteurs proposent une première vision de l'évolution à venir : environ la moitié du volume du glacier pourrait être perdue dans les années 2050...