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Le manchot royal (Aptenodytes patagonicusAptenodytes patagonicus) aime vivre sur des îles aux eaux sans glace, avec des plages de sable ou de galets pour élever ses petits : par exemple sur les îles subantarctiques de Crozet, Kerguelen, Marion et Prince-Édouard. Pour sa nourriture, il a besoin de poissons qu'il trouve au niveau du front polaire antarctique. Mais, avec le réchauffement climatique, cette zone de résurgence riche en proies se déplace vers le sud et s'éloigne des îles où niche le manchot royal. D'après un communiqué du CNRS, plus de 70 % de la population mondiale des manchots royaux risque, pour ces raisons, de disparaître avant la fin du siècle.
Il faudrait donc que les colonies migrent vers l'Antarctique. Or, comme l'explique Robin Cristofari, principal auteur de l'article, « pour les manchots des régions subantarctiques, le problème est encore plus compliqué car il n'existe qu'une poignée d'îles dans l'océan Austral, et très peu ont la capacité d'accueillir les gigantesques colonies que nous connaissons aujourd'hui ».
Le manchot devra s'adapter à un changement climatique rapide
En analysant la génétiquegénétique des manchots, les chercheurs ont observé qu'ils avaient déjà vécu des crises démographiques à cause des changements environnementaux, notamment il y a 20.000 ans. Il existe donc une chance que le manchot royal arrive à s'adapter comme par le passé. Cependant les changements climatiques actuels semblent particulièrement rapides. Céline Le Bohec, chercheuse au CNRS, craint que l'espèce connaisse des pertes importantes. D'après elle, pour préserver la biodiversitébiodiversité dans ces régions « des efforts de conservation efficaces et coordonnés entre les nations doivent commencer sans plus tarder - et cela concerne autant la régulation des pêcheries que le contrôle global du réchauffement climatique ».
Cette étude internationale, à laquelle ont participé des chercheurs français, paraît dans la revue Nature Climate Change.
Une colonie de manchots royaux affectée par le changement climatique
Article du CNRS, paru le 2 novembre 2015
Mettre en lumièrelumière le comportement des espèces face aux perturbations de leur environnement permet de mieux comprendre l'impact des variations du climatclimat sur les écosystèmesécosystèmes. Telle est la démarche entreprise par une équipe de scientifiques qui étudie depuis le début des années 1990 une colonie de manchots royaux de l'archipelarchipel de Crozet. En croisant les données accumulées au fil de ces années, les chercheurs ont démontré que les anomaliesanomalies climatiques affectant la température de l'océan dans cette partie du globe influençaient directement la survie de la colonie. Ces résultats suggèrent que l'élévation de température consécutive au réchauffement climatique pourrait contraindre le manchot royal à délaisser la région d'ici la fin du siècle.
L'archipel de Crozet, situé dans les TerresTerres australes et antarctiques françaises, rassemble à lui seul près de 700.000 couples de manchots royaux soit plus de la moitié de la population mondiale de cet oiseauoiseau marin. Depuis plus de 20 ans, des biologistes du Centre d'études biologiques de Chizé (CEBC, CNRS, université de La Rochelle), de l'Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC, CNRS, université de Strasbourg), du Centre d'écologieécologie fonctionnelle et évolutive (CEFE, CNRS, université de Montpellier, université Paul-Valéry Montpellier 3) et du Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériquesnumériques (Locean - CNRS, UPMC, MNHNMNHN, IRDIRD) étudient plus particulièrement une colonie de l'île de la Possession avec le soutien de l'Institut polaire français Paul-Émile VictorPaul-Émile Victor (IPEV).
En l'espace de 20 ans, les scientifiques ont ainsi recueilli de précieuses informations sur l'état de santé de cette colonie de 20.000 couples et celui des poussins qu'ils élèvent chaque année. En équipant chaque été jusqu'à une dizaine d'oiseaux adultes de balises ArgosArgos, les chercheurs ont également pu mesurer, durant 16 saisonssaisons de reproduction, le temps qu'ils passent à pêcher en mer, la distance parcourue et l'itinéraire emprunté afin de trouver la nourriture pour eux-mêmes et leur progéniture.
Lorsque des anomalies climatiques se conjuguent, les eaux froides et poissonneuses se retrouvent si éloignées de la colonie que les manchots doivent couvrir une distance deux fois plus importante avant de les atteindre. © Jean-Baptiste-Pons
Des manchots qui passent plus de temps en mer
Certains oiseaux ont également été munis de capteurscapteurs permettant de mesurer la pressionpression et la température de l'eau ou le nombre de poissons capturés durant chacun de leur séjour en mer. « Nous avons ainsi constaté que l'essentiel des manchots royaux partaient se nourrir vers le sud, à plusieurs centaines de kilomètres des îles Crozet jusqu'à dépasser le front polaire qui marque la frontière entre les eaux plus chaudes de l'océan Indien et les eaux froides de l'océan Antarctique plus poissonneuse », précise Charles-André Bost, ornithologueornithologue CNRS au Centre d'études biologiques de Chizé et coauteur de l'étude publiée le 27 octobre dans la revue Nature Communications. Or cette frontière n'est pas figée. Sous l'influence de deux anomalies climatiques à très grande échelle, qui réchauffent de façon transitoire la surface de l'océan, le front polaire peut être repoussé plus ou moins loin vers le sud.
En recoupant les données sur le suivi à long terme des manchots royaux de l'île de la Possession avec les variations de température de la surface de l'océan mesurées au fil des ans, l'équipe a pu établir le lien entre ces perturbations climatiques, le comportement de prédation des oiseaux et la démographie de la colonie. Lorsque les deux anomalies climatiques se conjuguent, comme ce fut le cas en 1997, les eaux froides et poissonneuses se retrouvent si éloignées de la colonie que les manchots doivent couvrir une distance deux fois plus importante avant de les atteindre. Conséquence : en passant plus de temps en mer à la recherche de nourriture les oiseaux marins mettent en péril la survie de leur progéniture. « Cette année-là, à peine 10 % des couples de la colonie sont parvenus à élever leur poussin », souligne Charles-André Bost.
Si de telles perturbations climatiques restent exceptionnelles, elles pourraient toutefois préfigurer ce que sera la norme d'ici 2100. Avec la hausse globale de la température terrestre, consécutive au réchauffement climatique, les eaux froides de l'océan Antarctique devraient s'éloigner durablement de l'archipel de Crozet. « Si les vastes colonies de manchots royaux qui s'y rassemblent pour se reproduire risquent de déserter cette localité, elles parviendront peut-être à s'adapter en privilégiant des îles plus australes comme les Kerguelen », estime le chercheur du CNRS. La disparition du manchot royal de cette partie de l'océan Indien aurait alors d'importantes répercussions tout le long de la chaîne trophique dont ce prédateur marin constitue un maillon essentiel.