La formation des nuages n’est pas encore parfaitement comprise mais grâce à l’expérience Cloud (Cosmics Leaving OUtdoor Droplets), menée au Cern, les chercheurs progressent. Les derniers résultats précisent l’effet des aérosols émanant des arbres et laissent penser que le réchauffement climatique pourrait devenir un peu moins important que prévu.

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    Avec l'expérience Cloud (Cosmics Leaving OUtdoor Droplets), les physiciensphysiciens effectuent d'une certaine façon un retour aux sources de la physiquephysique des hautes énergiesénergies lorsqu'ils utilisent les faisceaux de particules produits par le Proton Synchroton (PSPS) du CernCern pour les envoyer dans une chambre de réaction. En effet, c'est parce qu'il suspectait un lien entre particules chargées et formation des nuages que le physicien écossais Charles Wilson a été conduit à créer en 1912 la première chambre à brouillard. Les particules y servaient de germes de nucléationnucléation pour la condensationcondensation de gouttelettes à partir d'un milieu à la limite de la saturation en vapeur d'eau. Les électronsélectrons ou les ionsions traversant cette chambre y provoquaient la formation de petites gouttes alignées, de sorte que l'observation des trajets de ces particules donnait le moyen d'identifier certaines de leurs caractéristiques. La chambre de Wilson fit donc faire un bond à la physique et fut l'ancêtre d'abord des chambres à bulles puis de la chambre multifils de Georges CharpakGeorges Charpak.

    Aujourd'hui, avec l'expérience Cloud, les physiciens cherchent aussi à comprendre la formation des nuages. Dans la chambre est introduit de l'airair ultrapur provenant de l'évaporation d'oxygène et d'azoteazote liquidesliquides afin de reconstituer les conditions de température et de pressionpression en tout point de l'atmosphère terrestre. En ajoutant d'autres composants chimiques, le dispositif permet d'étudier la formation et la croissance de particules d'aérosols ainsi que les nuages qu'elles engendrent en faisant varier à volonté ces conditions. Ce qui est bien sûr impossible avec l'atmosphère de la TerreTerre. Les chercheurs s'en servent depuis des années pour étudier l'influence des rayons cosmiquesrayons cosmiques. Ils viennent de publier de nouveaux résultats dans deux articles de la revue Nature.


    Une vidéo en anglais sur les nouveaux résultats de l'expérience Cloud sur le climat de l'ère pré-industrielle. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Naomi Caraban, Cern

    On ne connaît pas encore assez les nuages

    Avant toute chose, il convient de préciser, comme l'explique dans la vidéo ci-dessus Jasper Kirkby, porteporte-parole de l'expérience Cloud, que les résultats obtenus n'invalident pas ni la réalité du réchauffement climatiqueréchauffement climatique ni l'influence largement prépondérante sur ce réchauffement du gaz carboniquegaz carbonique injecté par l'humanité depuis la révolution industrielle. En effet, il a semblé il y a quelques années que des modifications du flux de rayons cosmiques, que ce soit en raison de l'activité du SoleilSoleil ou des modulationsmodulations de ce flux en rapport avec le milieu interstellaire de la Voie lactéeVoie lactée, pouvaient peut-être rendre compte du changement climatique en cours depuis un siècle. La question pouvait se poser car, en modifiant la couverture nuageuse de la Planète, ces rayons peuvent changer également les transferts radiatifs dans l'atmosphère, par exemple avec la formation de nuages réfléchissant plus fortement les rayons du Soleil, ce qui peut refroidir la Terre.

    Selon les membres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le Giec, la physique des nuages et l'influence sur leur formation des aérosols ne sont pas connues avec suffisamment de précision, de sorte qu'il existe des incertitudes sur l'ampleur du réchauffement climatique à la fin du XXIe siècle. Or, les membres de Cloud ont fait à cet égard une découverte intéressante.

    Une vue de l'expérience Cloud avec sa chambre de 3 m de diamètre en acier inoxydable, contenant de l'air humidifié ultrapur et des traces de gaz choisis. Elle est placée sur la trajectoire d'un faisceau de pions chargés qui simule les rayons cosmiques ionisants. © Cern

    Une vue de l'expérience Cloud avec sa chambre de 3 m de diamètre en acier inoxydable, contenant de l'air humidifié ultrapur et des traces de gaz choisis. Elle est placée sur la trajectoire d'un faisceau de pions chargés qui simule les rayons cosmiques ionisants. © Cern

    Les arbres influencent la couverture nuageuse

    On pensait que les aérosols en liaison avec de l'acide sulfuriqueacide sulfurique avaient un rôle majeur dans la formation des nuages. Comme la quantité de cet acide a augmenté avec la révolution industrielle, la couverture nuageuse a dû augmenter, pensait-on. Elle aurait donc refroidi la Terre si l'effet de serreeffet de serre causé par le gaz carbonique en augmentation n'avait pas contrecarré cet effet.

    Mais les chercheurs ont finalement montré que des vapeurs organiques, dites biogènes, émanant des arbresarbres créent de nombreuses particules d'aérosols dans l'atmosphère, même en l'absence d'acide sulfurique. Ce qui fait dire à Jasper Kirkby que « ces résultats sont, jusqu'ici, les plus importants réalisés par l'expérience Cloud du Cern. Le fait d'inclure la nucléation et la croissance de particules d'aérosols biogènes purs dans les modèles climatiquesmodèles climatiques pourrait affiner notre compréhension de l'impact des activités humaines sur les nuages et le climat ».

    Car si les aérosols biogènes ont tout de même permis de former une couverture nuageuse non négligeable pendant l'ère préindustrielle, les modèles climatiques qui prenaient comme point de comparaison un état de l'atmosphère à cette époque sans inclure cet effet ont peut-être conduit à surévaluer légèrement l'effet du gaz carbonique sur le réchauffement climatique. Si tel est le cas, c'est peut-être rassurant car le système climatique pourrait être plus stable que prévu et le réchauffement de moindre ampleur vers 2100. Or, on sait que celui-ci pourrait conduire à un nombre considérable de réfugiés climatiques.

    L'effet mis en évidence par les chercheurs de Cloud se trouve en tout cas dans le monde réel, comme le montrent des travaux publiés parallèlement dans la revue Science. Le processus de nucléation à partir des vapeurs biogènes des arbres a été observé dans les Alpes suisses à 3.500 mètres d'altitude à l'observatoire du Jungfraujoch.