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Les plantes sauveront-elles les sols pollués ? Une collectivité de l'Oise tente l'expérience de cette méthode douce, visant à concilier reconquête environnementale et politique urbaine. La communauté d'agglomération de Creil a été la première en France, en 2013, à mettre à disposition de chercheurs de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Inéris) près d'un millier de mètres carrés pour conduire des recherches en phytoremédiation, éventail de techniques de dépollution des sols grâce à des plantes dépolluantes. Le site choisi est celui d'une ancienne usine de camping-cars fermée dans les années 1990.
« Lorsqu'on a fait des études de sol, on a trouvé de la pollution qui venait de cette entreprise, mais aussi d'autres activités, car c'était des sols en remblai, pollués ailleurs et reversés ici », raconte Hervé Coudière, directeur général adjoint des services de la Communauté d'agglomération de Creil, en charge de l'environnement. Plantés sur 300 m2 au bord d'un rond-point, les saules des vanniers, aux frêles tiges, et les arabettes de Haller, minuscules végétaux en étoileétoile, ne relèvent pas de la simple coquetterie paysagère : ils supportent sans ployer la pollution au zinc et au cadmiumcadmium, deux métauxmétaux toxiques. « À chaque fois que les plantes refont des feuilles et des tiges, elles absorbent une partie de la pollution », explique Valérie Bert, de l'Inéris, qui mène les recherches.
Les plantes capables d'absorber les métaux lourds sont rares et font l'objet de recherches dans le monde. Ce petit arbre, de 1,5 à 8 m de hauteur, découvert en 2014 aux Philippines, a été baptisé Rinorea niccolofera car les scientifiques ont découvert son appétence pour le nickel. Ce végétal accumule le nickel dans ses feuilles jusqu'à 18 mg/g. La barre d’échelle représente 20 cm. (Voir notre article sur cet arbuste philippin). © Edwino S. Fernado, PhytoKeys, 2014, CC by 4.0
Une dépollution intéressante pour réoccuper d'anciens sites industriels
Contrairement à d'autres plantes qui bloquent les métaux aux racines, les saules et les arabettes « facilitent l'absorptionabsorption des métaux, qui montent avec la sève dans les feuilles ». C'est la fraction la plus mobilemobile des métaux, donc la plus susceptible de souiller les nappes phréatiques ou de contaminer d'autres surfaces, qui est ainsi absorbée. D'où vient cette rarissime et précieuse propriété qui pourrait faire économiser des millions d'euros aux collectivités ? « On ne sait pas, ça pourrait être des défenses contre les herbivores, qui sentent les métaux en quantité importante et ne mangent pas la plante », avance Valérie Bert.
Les résultats sont probants après deux ans d'expérimentation. La chercheuse a constaté que les saules et les arabettes accumulaient toujours davantage de métaux : quatre fois plus de zinczinc que l'an dernier et deux fois plus de cadmium. La technique n'est cependant pas la panacée en dépollution pure, prévient Michel-Pierre Faucon, enseignant-chercheur en écologie végétale à l'Institut polytechnique LaSalle de Beauvais (Oise) : « Ces plantes ont de petites biomasses, donc il faudrait des centaines d'années pour phytoextraire la pollution de sols très contaminés. Cela fonctionne quand la pollution est moyennement intense, et sur de petites surfaces les sols sont souvent excavés et traités à part », ajoute-t-il pour relativiser le rôle que jouera à l'avenir la phytoextraction dans la dépollution.
Ce panneau d'information détaille le programme expérimental mis en place par l'Inéris à Creil, dans l'Oise. © Denis Charlet, AFP
Les métaux capturés peuvent être recyclés
Pour autant, son faible coût et son intérêt pour l'aménagement paysager pourraient lui assurer une place au soleilsoleil des politiques publiques, dans la mouvance actuelle des écoquartiers. « L'un des enjeux de l'agglomération est de reconquérir son foncier pour réaménager la ville, construire des logements, remettre de l'activité économique, témoigne Hervé Coudière. Les phytotechnologies sont une des solutions pour maîtriser les coûts de dépollution qui autrement sont très élevés ».
La phytoextraction s'inscrit aussi dans l'économie circulaireéconomie circulaire. Les métaux stockés dans les feuilles et tiges des végétaux peuvent en effet être réemployés en « écocatalyseurs dans les procédés pharmaceutiques et chimiques », selon Valérie Bert. On travaille alors « sur la filière globale : les plantes deviennent une matièrematière première enrichie en zinc ou cadmium ». « C'est le même principe que la valorisation et le recyclagerecyclage des déchetsdéchets, sauf qu'il s'agit là de sols pollués », résume Michel-Pierre Faucon. Valérie Bert assure être d'ores et déjà sollicitée par plusieurs villes intéressées par le procédé. Certes, « ce n'est qu'une solution parmi d'autres », concède-t-elle. Mais pour la chercheuse, « on résout la question environnementale grâce à la diversification des méthodes plutôt que par une seule solution miracle ».