Ils ont passé un mois sous l’eau de la Grande bleue, cette « extraordinaire résistante malgré ses blessures » dans un caisson pressurisé, enfoui à 120 mètres de profondeur. Dimanche soir, les quatre plongeurs ont retrouvé l’air libre et rapporté des milliers de données scientifiques qui vont permettre de mieux comprendre et de mieux protéger la mer Méditerranée.
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La scène d'amour vache de deux murènes... Les cathédrales de roches de la falaise sous-marine du cap Taillat... Après quatre semaines dans les grands fonds, entre la cité phocéenne et Monaco, Laurent Ballesta, biologiste et photographe sous-marin, revient avec des milliers d'images. Mais l'image qu'il cherche, à peine sorti de ce caisson où il vient de vivre une lente décompression de trois jours, c'est celle de Caroline, sa compagne, et d'Elea, sa fille de deux mois. Elea, comme l'héroïne de La nuit des temps de Barjavel, cette survivante d'une civilisation disparue. « J'avais sous-estimé ce retour sur terre. C'est plus émouvant que prévu », lâche-t-il, les larmeslarmes aux yeuxyeux.
Fini donc cet universunivers minuscule, tracté par un remorqueur, qui lui a permis, pendant quatre semaines, avec ses trois comparses, Antonin Guilbert, Thibault Rauby et Yannick Gentil, de lutter contre les éléments. Car, à 120 m de fond, l'homme est un intrus. La pressionpression est 13 fois supérieure qu'à la surface terrestre. Pour une demi-heure de plongée dans cette zone crépusculaire, sas d'entrée vers les abysses, il faut cinq heures de remontée jusqu'à la surface. « Grâce à ce caisson, qui reproduit l'atmosphère à 120 m, fini ces paliers de décompression. Nous n'avions plus aucune limite de temps, sauf notre résistancerésistance », explique Laurent Ballesta, l'initiateur de Planète Méditerranée, cette expédition partie le 1er juillet de Marseille. Chaque jour, les plongeurs sont descendus dans les entrailles de la Grande Bleue via la « tourelle », un ascenseurascenseur qui les amène à la profondeur requise en à peine 3 minutes. Une fois la porteporte ouverte, le travail peut commencer. « Nous vivons tous sur la même planète, mais il y a plusieurs mondes, et nous avons eu l'honneur d'explorer un autre monde. Barbiers perroquets, poissons lézards, morues cuivrées: à chaque plongée ou presque, nous avons pu filmer ou photographier une espèceespèce qui n'avait jamais été observée vivante dans son milieu ».
Il a fallu lutter contre un ennemi permanent, le froid
Missionnés par divers chercheurs, laboratoires ou universités, les quatre hommes ont effectué des prélèvements d'ADNADN sur une dizaine d'espèces, faisant progresser la connaissance sur leur génomegénome. Grâce à des bouturages, ce sont les données sur la génétiquegénétique des gorgones ou du corail noir qui vont progresser. Comme des experts sur une scène de crime, les quatre hommes ont longuement travaillé sur l'ADN environnemental, cette technique qui permet de connaître les espèces vivant à ces profondeurs en analysant l'eau dans laquelle ils évoluent. Ils ont aussi effectuer des analyses des récifs corralligènes, ces refuges pour la biodiversitébiodiversité des grandes profondeurs, afin de déterminer s'ils ne seraient pas des puits de carbonepuits de carbone appréciables en ces temps de changement climatiquechangement climatique. L'inspection du tuyau de sortie des eaux uséeseaux usées de la métropole de Nice faisait aussi partie du programme avec prélèvements de sédimentssédiments pour évaluer l'impact des rejets humains. Des dizaines d'expériences sont menées. Avec un ennemi : le froid.
“C'était plus dur que l'eau à 2 degrés sous la banquise de l'Antarctique ”
Car l'eau est à 13 degrés. « On était très vite en souffrance dans les scaphandres. À ces pressions, la température ressentietempérature ressentie est beaucoup plus basse. C'était plus dur que l'eau à 2 degrés sous la banquisebanquise de l'AntarctiqueAntarctique ». Dimanche soir, lui et Thibault Rauby avaient encore des engeluresengelures aux doigts.
Le 20 juillet, ce froid n'empêche pas les quatre plongeurs d'effectuer la plus longue visite jamais faite -- six heures --, de l'épave du Natal, un paquebot coulé en 1917 au large de Marseille, avec une centaine de passagers. « Et nous avons découvert une vie après la mort de ce bateau. Poissons luneslunes, Saint-Pierre, bécasses de mer, diables de mer. Un paradis pour le biologiste naturaliste que je suis », expliquait-il à la presse, par écran interposé, à quelques minutes de son retour sur la terre ferme, envisageant même un futur séjour de 10 à 15 jours sur cette seule épave: « Elle a encore sûrement plein de choses à nous dire ».
Méditerranée : quatre plongeurs resteront un mois au fond de l'eau
Article Futura-AFP Relaxnews publié le 3 juillet 2019
Quatre plongeurs, dont le photographe sous-marin français Laurent Ballesta, se sont immergés lundi en mer Méditerranéemer Méditerranée. Ils resteront à 120 mètres de profondeur pendant un mois.
L'expédition Planète Méditerranée a rejoint les abysses lundi 1er juillet en début d'après-midi, au large de Cassis, dans le sud-est de la France. Le but de l'expédition est de « montrer qu'il y a une Méditerranée encore très belle, des sortes de paradis perdus, d'oasis secretes quand on a dépassé une certaine profondeur », avait expliqué mi-juin à l'AFP Laurent Ballesta. « Il y a encore des animaux à décrire et à illustrer pour la première fois ».
« Si plonger à de telles profondeurs est toujours un challenge, y séjourner est un fantasme, une utopie qui devient réalité », ajoute-t-il dans un communiqué. La particularité de cette plongée est qu'elle utilise un caisson pressurisé de l'INPP (Institut national de plongée professionnelle). Cette cloche en acieracier d'un mètre carré à la pression des 120 m (soit 13 fois la pression atmosphériquepression atmosphérique) sera descendue tous les jours dans les profondeurs de la Méditerranée.
28 jours à 120 mètres de profondeur
Après chaque sortie réalisée sans se soucier du temps qui passe, les plongeurs retourneront dans la cloche qui sera remontée à la surface pour être connectée à un petit caisson de deux mètres carrés faisant office de sanitaires (douche et WC). Un troisième caisson de cinq mètres carrés sert d'espace de vie avec quatre bannettes, une petite table et un sas pour faire entrer la nourriture. La station, tractée par un remorqueur, se déplacera entre Marseille et Monaco. La décompression, qui durera trois jours, ne se fera qu'à la fin de la mission. Ainsi, les plongeurs n'auront pas besoin d'effectuer à chaque sortie quotidienne les paliers de décompression obligatoires et très longs quand on descend à ces profondeurs.
« Pendant 28 jours, on va pouvoir à notre guise rester à 120 m de profondeur et explorer cette zone aussi longtemps qu'on le voudra ou le pourra. On n'a plus cette angoisse de se dire qu'à chaque minute passée à 120 m de fond, c'est des heures à la remontée. Si tu restes trois heures à 120 m, il te faut une journée pour remonter. C'est trop cher payé », avait raconté à l'AFP Ballesta.
Cette expédition a demandé deux ans de préparation et mobilisé 20 professionnels. Elle pourra être suivie sur une série de blogsblogs vidéo et donnera lieu à un film de 90 minutes diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte.
Le plongeur Laurent Ballesta a filmé les cœlacanthes à plus de 100 m
Pionnier de la plongée profonde, Laurent Ballesta a réussi ce que personne n'avait fait avant lui : plonger à plus de 100 m de profondeur pour filmer les cœlacanthes dans leur milieu naturel. En 2013, avec des moyens vidéo lourds, l'expédition Gombessa a rapporté des images magnifiques, mais aussi exceptionnelles. Redécouvrez-les en même temps que les explications de ce plongeur passionné.
Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 4 novembre 2013, mis à jour le 21 mai 2017
« Je suis d'abord un plongeur », assure Laurent Ballesta quand on lui demande comment lui vient l'idée de sa dernière expédition. Quelle qu'elle soit. Il aime « aller là où personne ne va ». Par exemple : plonger dans le port de Marseille en zone rigoureusement interdite pour y étudier un écosystèmeécosystème qui se maintient tant bien que mal, ou descendre, bouteilles sur le dosdos, à la rencontre des cœlacanthes, par plus de 100 m de fond.
Ce sont les deux aventures que le biologiste marin a offertes aux visiteurs du Festival mondial de l’image sous-marine, qui s'est tenu à Marseille (et dont il est un habitué, il en fut même le plus jeune vainqueur). L'exploration des ports commerciaux de Marseille donne lieu à un livre et à une exposition au festival. « C'était une commande », précise Laurent Ballesta. Elle l'a intéressé, car personne n'est autorisé à se promener dans les zones portuaires. « L'endroit est mieux protégé que les zones naturelles... » Il ne s'agissait pas d'une balade, mais d'une étude naturaliste de la faunefaune et de la flore qui s'adapte, ou résiste, à ce milieu pollué. Le travail a eu lieu de février 2011 à janvier 2013, avec « des journées entières dans l'eau » et des conditions difficiles pour les photographiesphotographies. « La vie est là, elle s'adapte, résume-t-il à Futura-Sciences. On trouve des espèces très variées, mais en proportions différentes des écosystèmes de la région. Certaines résistent bien, d'autres survivent et quelques-unes prolifèrent. »
Au festival de Marseille, Laurent Ballesta a présenté, un film qui lui tient à cœur : l'observation en plongée de cœlacanthes. Réalisé avec Gil Kebaïli, le film a obtenu le prix spécial du jury le 3 novembre 2013. Dans la vidéo que nous présentons ici, il décrit la préparation de cette expédition très difficile, et l'on ressent dans ses explications toute la passion du plongeur et du biologiste. Pour lui, c'est ce qu'il a fait de mieux.
« Cela fait 20 ans que je plonge. J'ai fait des expéditions avec Nicolas HulotNicolas Hulot. J'ai fait des trucs dingues. Mais ça, c'est au-dessus de tout. » Pourquoi ? Parce que personne ne l'avait fait auparavant. Parce que ce poisson-relique est la plus grande découverte zoologique du XXe siècle. Parce que l'entreprise est difficile.
Plongée dangereuse pour un animal fascinant
L'animal a de quoi fasciner, en effet. Les deux espèces actuelles (du genre Latimeria) sont les derniers représentants d'un groupe autrefois très commun dans les océans, apparu durant le DévonienDévonien, plus de 400 millions d'années en arrière. Une poche interne ressemble aux poumonspoumons des vertébrésvertébrés terrestres, et les puissantes nageoires abritent une architecture osseuse voisine de celle des membres des tétrapodes, ceux qui marchent sur la terre ferme, les humains par exemple. Des caractéristiques qui en font des sarcoptérygiens.
Le groupe entier semblait avoir disparu il y a 65 millions d'années, à la fin du CrétacéCrétacé, durant l'épisode d'extinction massive qui a vu la fin, notamment, des dinosaures. L'émotion fut grande quand, en 1938, un spécimen découvert par un pêcheur intrigué fut identifié comme un cœlacanthe. Mais l'on sait encore très peu de choses sur cet animal rarissime, qui détient pourtant quelques clés du passage à la vie terrestre de nos ancêtres vertébrés aquatiques. « C'était un vieux rêve, explique Laurent Ballesta aujourd'hui. En 2000, un plongeur en avait vu un. Mais nous n'étions pas prêts. »
Car il faut de gros moyens techniques pour aller les observer là où ils habitent, par exemple dans le canal du Mozambique, entre l'Afrique et Madagascar, à grande profondeur, là où ils peuvent se réfugier dans des grottes. « Il faut plonger entre 120 et 145 m. Les courants et la houlehoule sont puissants et il y a des requins. Deux hommes sont morts en tentant de descendre voir les cœlacanthes. »
Étudier les mœurs des cœlacanthes
Habitué des grandes profondeurs et pionnier de « la plongée sans bulles » (qui a donné son nom à un ouvrage de référence dont il est coauteur), Laurent Ballesta a profité de la progression des techniques de plongée avec mélange respiratoire. « En 2008, nous pouvions atteindre 200 m, avec des plongées qui duraient 7 h, et pour des descentes quotidiennes nous pouvions travailler à plus de 100 m. » Car, malgré les difficultés techniques et les cinq heures de paliers, Laurent Ballesta n'y va pas pour prendre quelques photos à la sauvette. « L'image doit être parfaite », assure ce perfectionniste. Il faut donc descendre avec des moyens d'éclairage et de prise de vue lourds et efficaces. Première tentative en 2009, entravée par des complications administratives. L'année suivante, enfin, une expédition est de nouveau lancée et le succès est là : les premières images de cœlacanthes évoluant au milieu des plongeurs. Des images parfaites, naturellement.
Mais cela ne suffit pas : il faut y retourner et multiplier les prises de vue pour étudier les mœurs, voire la génétique de l'animal. C'est le projet Gombessa, du nom local de ce poisson, qui a comblé les espérances de l'équipe. Un livre suivra le film tout juste monté et présenté dans la cité phocéenne.