D’ici la fin de l’année 2013, l’Europe aura statué sur l'interdiction ou l'autorisation de la pêche profonde au chalut. Cette méthode de pêche est souvent comparée au passage d’un bulldozer dans un jardin. Les conséquences du raclage d’un chalut sont lourdes pour les espèces abyssales, mais aussi pour des écosystèmes qui ont mis des milliers d’années à se construire.


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    L'avenir des abysses est en train de se jouer en ce moment à Bruxelles. L'affaire avait commencé en 2012, lorsque la Commission européenne statuait en faveur de l'interdiction du chalutage de fond. C'est maintenant au tour du Parlement et du Conseil européens de voter pour ou contre. D'ici la fin de l'année 2013, la pêche profonde au chalut, méthode décrite par beaucoup de scientifiques comme « la plus destructrice de l'Histoire », sera ou non complètement interdite dans les eaux européennes.

    En 2012, la France et l'Espagne s'étaient fermement opposées à la décision européenne. Notre pays étant l'un des principaux obstacles à l'adoption de cette loi, chercheurs, décideurs politiques, pêcheurs et ONG se sont réunis le 16 septembre 2013 pour plaider la cause des océans profonds. Cette journée de mobilisation a eu lieu moins d'une semaine avant la Conférence environnementale, soutenue par le président de la République. L'objectif était bien sûr de sensibiliser le gouvernement, mais aussi le grand public au grand fléau que représente le chalutage profond.

    Le 11 avril 2013, Claire Nouvian, directrice de l'association Bloom tenait une conférence sur la problématique de la pêche au chalut profond. Le raclage des fonds, y explique-t-elle, engendre la destruction des récifs coralliens, puisque le filet ne sélectionne évidemment pas les espèces qu'il capture. On voit ici (image projetée durant cette conférence) un corail plurimillénaire ramené par le chalut. © Capture d'écran, TEDxtalks, YouTube

    Le 11 avril 2013, Claire Nouvian, directrice de l'association Bloom tenait une conférence sur la problématique de la pêche au chalut profond. Le raclage des fonds, y explique-t-elle, engendre la destruction des récifs coralliens, puisque le filet ne sélectionne évidemment pas les espèces qu'il capture. On voit ici (image projetée durant cette conférence) un corail plurimillénaire ramené par le chalut. © Capture d'écran, TEDxtalks, YouTube

    À chaque pêche profonde par chalut, des milliers d’espèces sont affectées

    Grenadiers, lingues bleues et sabres noirs sont les principaux poissons que les chalutiers de fond cherchent à pêcher. Dans le nord-est de l'Atlantique, seuls 2 % des navires font appel à ce type de méthode de pêche. Mais à chaque prise, les chaluts raclent littéralement le fond des océans, opérant entre 400 et 1.500 m de fond. Ainsi, à chaque raclage, des écosystèmes qui ont parfois mis des milliers d'années à se former sont mis à mal. Récifs coralliens, éponges ou monts sous-marins sont détruits et entraînent le déclin des populations de poissons profonds. À cela, on peut ajouter que lorsqu'un filet racle le fond, il ne sélectionne pas les espèces qu'il attrape. On estime que 20 à 40 % des prises sont des espèces non revendues ensuite.

    Raies, requins, régalecs sont des espèces directement menacées par la pêche profonde. Leur habitat est détruit au passage du chalut, et bon nombre d'individus sont pêchés tandis que leur cycle de reproduction est très lent. La lingue bleue atteint, par exemple, sa majorité sexuelle au bout de six à sept ans. Pêcher des juvéniles peut donc avoir des conséquences désastreuses sur l'espèce. Par ailleurs, l'association Bloom rapporte que le chalutage profond est un véritable gouffregouffre à fonds publics. En France, neuf navires sont impliqués dans la pêche profonde au chalut. Six d'entre eux appartiennent à l'entreprise Intermarché.

    Le chemin vers la protection des océans profonds est encore long

    Le chalutage profond est déjà interdit dans certaines régions des eaux européennes. Par exemple, certaines zones profondes de l'Atlantique nord-est ont été fermées afin de protéger les récifs coralliensrécifs coralliens. À Madère, aux Açores et aux Canaries, l'interdiction a été votée en 2005, en vue de protéger les récifs coralliens, mais aussi les sites hydrothermaux. Cette même année, toute la Méditerranée s'est vue interdire la pêche à plus de 1.000 m de profondeur. Claire NouvianClaire Nouvian, directrice de l'association BloomBloom, commentait : « En France, 98,5 % des captures d'espèces profondes sont réalisées par neuf navires, soit 0,1 % de la flotte française ».

    Une mobilisation de massemasse comme celle du 16 septembre rappelle que le chemin vers l'interdiction complète du chalutage profond est encore long. Les lobbies espèrent trouver un levier français pour faire avorter la décision européenne. En face, des associations et des chercheurs battent le rappel pour pousser dans le sens inverse.