Chaque hiver, ce sont des millions de tonnes de sel qui sont dispersées sur les routes des pays du nord. Une pratique qui, si elle rend plus aisés nos déplacements, entraîne une dégradation sérieuse des écosystèmes et impacte notre santé.
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Avec l'arrivée de l'hiver et froid, les saleuses vont bientôt faire leur retour sur les routes de nombreux pays de l'hémisphère nord. Or, cette pratique qui consiste à saler les routes pour éviter le gel s'avère être un désastre écologique.
Des millions de tonnes de sel dispersées sur les routes
Si le sel est naturellement présent dans de nombreuses roches, les activités humaines et notamment le salage hivernal ont entraîné un important déséquilibre environnemental qui menace en particulier les sols, les aquifères et les cours d’eau. Rien qu'en France, chaque année, ce sont ainsi plus d'un million de tonnes de sel qui sont répandues sur les routes du pays durant l'hiver. Aux États-Unis, ce chiffre est multiplié par 20.
Une salinisation non naturelle de certains milieux
La dispersion d'une telle quantité de sel dans des environnements qui n'en possèdent naturellement pas beaucoup est sans conteste un problème. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Reviews Earth and Environment, une équipe de chercheurs américains montre à quel point l'environnement est impacté par notre surconsommation de sel. Les mesures révèlent ainsi une salinitésalinité anormale des eaux de surface à New York et dans l'eau de consommation de la ville de Baltimore. Les eaux de ruissellement finissent en effet leur vie dans des lacs dont la concentration en sel augmente d'année en année, un phénomène amplifié par leur assèchement progressif en raison des épisodes de sécheresse à répétition.
Une menace pour l’approvisionnement en eau potable
Outre les problèmes que pose cette salinisation de l'environnement aux espèces aquatiques d'eau douce, c'est donc également l’approvisionnement en eau potable qui est menacée, ainsi que la santé humaine. Car le sel dispersé sur les routes se retrouve également dans l'airair, entraînant des maladies respiratoires.
Les scientifiques tirent désormais la sonnettesonnette d'alarme et appellent à une régulation rapide des quantités de sel dispersées dans la nature. De nombreuses actions peuvent déjà être réalisées, notamment éviter l'épandageépandage excessif et inutile, mieux cibler le moment et les zones à saler, réduire la quantité de sel en le remplaçant, au moins partiellement, par de la saumuresaumure, du sablesable ou des gravillons, sans oublier le raclage par les chasse-neige.
La pollution par le sel routier menace les ressources en eau du Canada
Article de Grégoire MacqueronGrégoire Macqueron, publié le 10 mars 2010
Neige et verglasverglas sont de dangereux invités sur les routes. Pour lutter contre eux, des tonnes de sels sont déversées sur les voies de circulation. Si ce sel fait son office, il est aussi un polluant pour l'environnement et menace les ressources en eau. Des chercheurs canadiens ont ainsi démontré qu'une baie de la région des Grands Lacs était très gravement polluée.
En cas de chute de neige, les routes peuvent devenir des pièges mortels. Pour assurer la sécurité de ces ouvrages, et plus particulièrement s'ils sont stratégiques, les services techniques procèdent à un salage. Le sel épandu, appelé aussi fondant routier, fait fondre neige et glace et restaure l'adhérence des routes.
Mais que devient ce sel ensuite ? Il est évacué dans les eaux de fontesfontes et se perd dans l'environnement. « Se perd » ? Non, ce sel s’accumule dans les sols et les eaux, modifie les caractéristiques chimiques du milieu et entraîne une véritable pollution nuisible aux écosystèmesécosystèmes.
Dans leurs travaux parus dans la revue Sedimentary Geology, les chercheurs de l'Université de Toronto (Canada) mettent en lumièrelumière la pollution de la baie de Frenchman, en aval de l'autoroute 401. Cette baie qui alimente la lac Ontario affiche parfois des concentrations de chlorures deux fois supérieures à celle des Grands Lacs. Or les eaux de ces lacs sont utilisées pour produire l'eau potable des grandes agglomérations de cette région.
« Nos découvertes sont plutôt dramatiques, et les effets se font sentir tout au long de l'année, souligne Nick Eyles de l'Université de Toronto. Ce sont de vraiment mauvaises nouvelles sur les assauts sans fin des produits chimiques dans le bassin versantbassin versant, avec de sinistres implications bien au-delà de la lagune elle-même. Nous savons maintenant que 3.600 tonnes de sel routier finissent dans cette petite lagune tous les hivers, directement par le biais des ruisseaux, et l'empoisonnent le reste de l'année. L'avenir de la baie de Frenchman n'est pas brillant, mais il pourrait aussi affecter les Grands Lacs. »
Outre le sel, de nombreux polluants automobilesautomobiles et urbains sont emportés par les eaux de pluie sur les surfaces imperméabilisées par l'autoroute et par l'urbanisation. MétauxMétaux lourds, bactériesbactéries fécales et autres polluants rejoignent le sel et s'accumulent dans les eaux et sédimentssédiments. Les taux de contaminants de la baie sont ainsi bien supérieurs aux standards de qualité canadiens, parfois de 250%.
Les écosystèmes aquatiques sont affectés par cette pollution avec la disparition des poissons dans certains ruisseaux, la modification de leur structure de population et la baisse de leur diversité spécifique.
Passez-moi le sable, s’il vous plaît
Quelles pourraient être les alternatives au salage ? Pour l'instant, il n'y en a pas beaucoup. Rien qu'en France, au climatclimat plus clément que le Canada, un million de tonnes de sel sont employés en moyenne par an. Le sel représente 98% des fondants routiers et parmi les 2% restants, on trouve des étherséthers de glycols (qui peuvent être toxiques à fortes concentrations) ou des mélanges plus coûteux de sel et de dérivés de la production du sucresucre (en test en Suède et en Suisse).
Le sablage est une autre possibilité pour sécuriser les routes. L'épandage de sable ou de pouzzolanepouzzolane (roche volcaniqueroche volcanique) ne fait pas fondre la neige mais augmente l'adhérence à la route. Cependant, des études d'impact ont montré qu'il faut trois fois plus d'énergieénergie pour le sablage que le salage. Le procédé est donc plus cher et affecte l'environnement autrement (dépôts de sédiments, émissionsémissions de CO2...).
Une autre solution pourrait être d'installer un système de dégivrage sous les routes. Dans ce système, l'énergie géothermique ou hydrothermique fait fondre neige et verglas, mais le coût d'un tel procédé le réserve à des cas bien particuliers (aéroports).
Actuellement, la démarche est surtout de mieux saler pour moins saler et de mieux traiter les eaux pluviales. Les services techniques se reposent ainsi sur la finesse des prévisions météométéo pour mieux déterminer les besoins en salage préventif (avant la chute de neige), se concentrent sur les zones stratégiques (autoroute, lieux accidentogènes) et utilise de la saumure. En effet, le sel en grain est inefficace, il faut qu'il se dissolve dans la neige. La saumure ou bouillie de sel assure une meilleure efficacité.
L'étude de Nick Eyles et Mandy Meriano est l'une des plus ambitieuses (et des mieux financées) sur l'impact des eaux de ruissellement sur les ressources en eau des bassins versants du Canada.
Leurs recherches sont en effet importantes pour l'alimentation en eau potable des 36 millions de Canadiens et d'Américains de la région. Leurs résultats aboutiront peut-être à la mise en place d'infrastructures de traitement des eaux pluviales plus efficaces vis-à-vis du sel et des autres polluants urbains.