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D'ici 2020, les autorités européennes veulent qu'une part minimale de 10 % de biocarburant soit intégrée dans l'essence et le diesel utilisés dans les transports. Ainsi, de nombreuses industries se sont lancées dans la production de carburants de substitution. Certaines d'entre elles exploitent des bactériesbactéries ou des levures pour produire du bioéthanol par fermentationfermentation à partir de végétaux (comme la betterave ou la canne à sucresucre), mais cette substance ne possède pas d'équivalent dans la pétrochimie conventionnelle.
Bien évidemment, les micro-organismesmicro-organismes synthétisant le bioéthanol n'ont pas été choisis au hasard, puisqu'ils produisent naturellement cette substance, mais en infime quantité. Depuis plusieurs années, des recherches sont menées avec succès pour accroître leurs rendements, notamment en améliorant leurs voies métaboliques naturelles grâce à des techniques de génie génétique (croisements entre souches, jeu de sélections, etc.). Cependant, le fait de ne pouvoir utiliser que des propriétés biologiques déjà présentes dans un organisme impose quelques contraintes.
Pour s'en défaire, une start-upstart-up française a adopté une nouvelle approche : créer de nouvelles voies métaboliques. Ainsi, une bactérie sait désormais synthétiser un dérivé du pétrolepétrole utilisé pour produire de l'essence (isooctane), un caoutchouc synthétique (le seul étanche aux gazgaz), du verre organique ou du plastiqueplastique.
Grâce à Global Bioenergies, plusieurs hydrocarbures clés pourraient bientôt être produits à partir de ressources végétales (sucres, céréales, déchets agricoles ou forestiers, etc.). © www.global-bioenergies.com
Une solution pour un hydrocarbure renouvelable : Global Bioenergies
Créé en 2008 par Marc Delcourt et Philippe Marlière, Global Bioenergies va bientôt franchir une nouvelle étape importante de son développement, puisqu'un pilote industriel va être lancé sur le site de la raffinerie de Bazancourt-Pomacle (Marne). Le choix de ce lieu ne doit rien au hasard. En effet, les bactéries Escherichia coli modifiées synthétisent de l'isobutène par fermentation gazeuse en consommant... du sucre, donc un composé d'origine végétale. Ainsi, Global Bioenergies produit un hydrocarburehydrocarbure à partir de ressources renouvelables.
Chaque année, près de 15 millions de tonnes d'isobutène sont exclusivement produites à partir du pétrole dans le monde, c'est dire si le marché est important. Or, l'isobutène biologique est rigoureusement identique à celui extrait par des voies pétrochimiques, ce qui représente une grande force de la filière mise au point par Global Bioenergies (notamment par rapport à celle du bioéthanol). En effet, ces produits peuvent être transportés, stockés et utilisés dans les mêmes installations. Ainsi, les utilisateurs finaux ne doivent pas adapter leurs infrastructures.
La clé technologique : la biologie synthétique
Puisqu'aucun organisme tesrrestre ne produit naturellement les principales moléculesmolécules de la pétrochimie, les chercheurs de la start-up ont décidé de le créer. Ils ont donc imaginé une voie métabolique qui permet la conversion du glucoseglucose en hydrocarbures (avec différents intermédiaires), puis ont recherché dans la nature les enzymesenzymes requises. Celles-ci ont ensuite été améliorées grâce à des mutations opérées sur leurs gènes, avant que ces derniers ne soient intégrés dans le génomegénome d'une E. coliE. coli hôte. Il s'agit d'un bel exemple de biologie synthétique.
L'isobutène est un gaz, ce qui explique son faible coût de production dans le système de Global Bioenergies. En effet, il quitte le milieu réactionnel dès qu'il est synthétisé, ne risquant donc pas d'intoxiquer les bactéries (ce qui survient dans la filière du bioéthanol). Par ailleurs, l'isobutène biologique n'a pas besoin d'être purifié par distillation, un procédé particulièrement énergivore.
Le pilote industriel sera doté d'un fermenteur d'une contenance de 500 litres. En laboratoire, les bactéries E. coli ont produit avec succès l'isobutène dans une cuve de plus petite taille, soit de 42 litres (voir photographie). © Global Bioenergies
L’environnement aime : moins de CO2 d’origine fossile émis
Le pétrole est une ressource énergétique d'origine fossile. Ainsi, pour chaque kilogrammekilogramme consommé, nous émettons en moyenne 3,1 kg de CO2 dans l'atmosphère, selon le site de Global Bioenergies. Or, ce gaz s'accumule et participe activement au réchauffement climatique. En revanche, en consommant des hydrocarbures issus de ressources renouvelables, le carbone émis dans l’atmosphère s'intègre dans un cycle. Il est donc amené à être recapturé par des végétaux. Son impact sur notre climat est ainsi réduit.
Selon le site de la start-up, les économies de gaz à effet de serre réalisées pour la filière du bioéthanol oscillent entre 0 et 70 % selon la ressource végétale utilisée. Global Bioenergies espère faire mieux, notamment grâce à l'absence de l'étape de distillationdistillation, mais seuls les tests réalisés sur le pilote industriel le confirmeront.
Que penser du projet de Global Bioenergies ?
Certains se seront offusqués à la lecture du terme « biologie synthétique », car cette jeune discipline (sur notre territoire) suscite de vifs débats. Après tout, il s'agit bien de manipuler le vivant pour arriver à doter certains organismes de nouvelles fonctions, avec les nombreuses questions éthiques que cela implique.
Outre cet aspect, il faut avouer que le projet de Global Bioenergies est innovant à plus d'un titre. Voilà quelque temps, peu de personnes auraient cru possible de produire de manière durable des hydrocarbures à partir de végétaux. Les promesses fournies par cette avancée sont importantes, surtout dans le contexte environnemental actuel. Elles expliquent probablement le soutien affiché par l'État français, puisqu'il vient de collaborer au projet à hauteur de 5,2 millions d'euros via le programme Investissements d'avenir. Notons que Global Bioenergies cherche également à synthétiser d'autres molécules produites par la pétrochimie.
Chronique : Greentech
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L’avenir fera la part belle aux technologies vertes, ce que de nombreux ingénieurs et chercheurs ont bien compris. Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique Greentech dévoile et décrypte les projets innovants, visant à réduire l’impact de l’Homme sur son environnement, tout exploitant au mieux les ressources naturelles renouvelables.