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Le poisson-clown, Amphiprion percula, a pour principal prédateur la vieille étoile bleue Cephalopholis cyanostigma. © Boggies with Fish, Flickr, cc by nc nd 2.0
Dans l'océan, le CO2 rend les poissons irresponsables. Une trop forte teneur en CO2 a un effet fâcheux sur leur système sensoriel. Ils adoptent des comportements étranges et anormaux : certains sont désorientés mais pire, d'autres se jettent dans la gueule de leur prédateur ! Une récente étude montre que cet étrange phénomène est dû à un récepteur de neurotransmetteurneurotransmetteur qui agit en dépit du bon sens.
Pollution, déforestation et industrialisation ont pour conséquence une augmentation de la concentration de dioxyde de carbone au sein des océans qui captent les moléculesmolécules à la limite eau-airair.
Outre une acidification du milieu, aux effets désastreux sur les taux de survie des êtres vivants qui l'occupent, des chercheurs avaient déjà montré que l'augmentation de la teneur en CO2 provoquait chez certains poissons, clown ou demoiselle en l'occurrence, des comportements dangereux pour leur survie.
Les poissons-clowns préalablement exposés à un milieu riche en CO2 se dirigent préférentiellement vers un courant d'eau portant l'odeur de leur prédateur. Mais lorsqu'ils sont, dans un deuxième temps, exposés à un milieu contenant de la gabazine (en bleu), ils retrouvent en grande partie leur réaction normale d'évitement (le chiffre au-dessus des colonnes est le nombre de poissons testés). © Nilsson et al. 2012, Nature Climate Change - adaptation Futura-Sciences
Les canaux GABAA déréglés
Notamment, il avait été remarqué qu'un poisson-clown (Amphiprion percula) élevé dans un milieu contenant beaucoup de dioxyde de carbone (des quantités prévues pour la fin du siècle, soit 900 µatm) avait tendance à se diriger vers un courant d'eau contenant de fortes odeurs de prédateurs, tandis que les témoins ayant grandi au sein d'un milieu normal (450 µatm) avaient tendance à éviter ce courant. Quant au poisson demoiselle (Neopomacentrus azysron), après quatre jours passés dans un milieu chargé en CO2, sa latéralisation était perturbée. En d'autres termes, il confond la droite et la gauche.
Mais les scientifiques ont désormais compris le mécanisme qui déclenche de tels comportements. Leur analyse a été publiée par Nature Climate Change. Tout se déroule au niveau des récepteurs GABAGABAA, ces canaux ioniquescanaux ioniques intégrés à la membrane des neuronesneurones. La fixation de deux molécules de GABA (un neurotransmetteur) active le canal.
Les chercheurs se sont rendu compte que ces canaux jouaient un rôle clé dans le comportement anormal des poissons : en les traitant avec une substance permettant de bloquer les canaux (la gabazine), leur comportement redevenait normal.
De fait, les canaux GABAA laissent passer les ionsions bicarbonatesbicarbonates et chlorures lorsqu'ils sont activés. Cela a un effet inhibiteur car l'entrée des ions à l'intérieur de la cellule provoque son hyperpolarisation, ce qui complique la création d'un potentiel d'actionpotentiel d'action (réponse à tout stimulus sensoriel).
Réponse à l'acidification
Mais quand le poisson évolue au sein d'un milieu chargé en CO2, ce gazgaz s'accumule à l'intérieur de l'organisme. Afin d'éviter une acidoseacidose, des ions bicarbonate sont emmagasinés pour compenser l'acidité, ce qui perturbe l'action des canaux GABA, induisant l'effet inverse. Les ions bicarbonates et chlorures sortent de la cellule qui, du coup, s'excite facilement, induisant chez le poisson des comportements inhabituels. C'est également ce qui se produit chez les épileptiques.
C'est ainsi que le poisson-clown adopte des attitudes étranges tandis que le poisson demoiselle semble ne plus reconnaître sa droite de sa gauche. Tout ceci n'a, bien sûr, aucun lien avec les noms vernaculaires de ces animaux...