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L'installation pilote de Lacq, réalisée par Alstom pour une raffinerie de Total. Le gaz carbonique extrait est enfoui dans des gisements de gaz naturel. © Alstom
Depuis le premier octobre de cette année, la centrale à charbon de Mountaineer, en Virginie-Occidentale, appartenant à AEP (American Electric Power) rejette un peu moins de gaz carboniquegaz carbonique (CO2), sans réduction de la production d'électricité et sans amélioration du rendement énergétique. Chaque année, cent mille tonnes de ce gaz à effet de serre seront en effet profondément enfouies à 2.400 mètres sous terre. Ce n'est encore qu'une goutte d'eau. Pour 1.300 mégawatts de production électrique, l'installation de récupération du gaz, réalisée par le français Alstom, ne concerne pour l'instant que 20 MW. A terme, AEP souhaite atteindre 1,5 million de tonnes de CO2 par an.
L'inauguration n'a eu lieu que le 5 novembre, le jour même où s'ouvrait à Paris le troisième colloque international Captage et stockage géologique du CO2. Les industriels et les représentants des pouvoirs publics se réunissent pour faire le point sur les techniques et les projets - nombreux - d'injection de gaz carbonique dans les couches géologiques profondes, dans des aquifères salins, des gisementsgisements de pétrolepétrole et de gaz naturelsgaz naturels épuisés ou des veines de charbon profondes inexploitables. Appelé CSC, pour captage et stockage de CO2, ou CCS de son acronyme anglais (Carbon Capture and Sequestration), ce moyen supposé radical de se débarrasser de ce gaz à effet de serre capte en effet des investissements importants partout dans le monde.
Selon l'agence internationale de l'environnement, cette méthode pourrait représenter 20 à 30% de la réduction des émissionsémissions de gaz à effet de serre par l'industrie. On la destine essentiellement aux centrales thermiques de production d'électricité et aux cimenteries, grosses émettrices de CO2. Selon une estimation du GiecGiec, en 2005, cette séquestration géologique pourrait éviter entre 80 et 90% des émissions produites par les centrales thermiques mondiales.
Une expérience grandeur nature
L'injection de gaz dans le sous-sol est une technique connue depuis des lustres. Elle a été initialement mise au point pour maintenir la pressionpression au sein de couches riches en pétrole afin d'en faciliter l'extraction. Les choses se compliquent lorsqu'il s'agit d'intégrer un dispositif de captage à l'intérieur d'une usine existante. La technique, qui elle-même reste à valider, repose sur plusieurs procédés différents. Le plus commun est la mise en solution des gaz de sortie d'usine dans un solvantsolvant qui retiendra le gaz carbonique. C'est le moyen retenu par Alstom, qui utilise de l'ammoniaqueammoniaque réfrigéré, permettant de récupérer 80% du gaz carbonique contenu dans l'effluent traité.
La solution doit ensuite être transportée vers le site d'enfouissement puis injecté à une profondeur minimale, variant selon les endroits de 700 à 900 mètres. Il faut en effet atteindre des valeurs suffisantes de pression et de température (respectivement 74 barsbars et 31°C) pour que le gaz carbonique se présente dans un état supercritique. Il n'y a alors plus de différences entre formes gazeuse et liquideliquide et, surtout, le CO2 devient moins dense que l'eau. Coulant entre les espaces intergranulaires de la roche, il restera emprisonné s'il se trouve sous une couche géologique imperméable.
Des doutes sérieux existent sur la fiabilité à long terme de cet enfouissement et même sur la faisabilité économique. Ce genre d'installation, en effet, coûte cher. Les expériences de CSC sont d'ailleurs souvent soutenues avec de l'argentargent public. Cette technique ne peut, quoiqu'il en soit, que servir de transition, le temps de finir l'exploitation de centrales à charbon ou à fuelfuel. Aux Etats-Unis, la question se pose avec force puisque environ la moitié de la production électrique provient de centrales à charbon.
Par sa taille, l'installation de Mountaineer deviendra probablement une référence en la matièrematière. A suivre les résultats obtenus, on devrait mieux comprendre ce que l'on peut réellement attendre de cet enterrement de première classe du principal gaz à effet de serre.