au sommaire
Article paru le 14/02/2014
Au cours du siècle dernier, la Terre n'a cessé de se réchauffer. Entre 1880 et 2012, notre Planète bleuePlanète bleue a gagné 0,85 °C. Et la tendance s'accélère : les températures devraient globalement augmenter de 2 °C d'ici 2050. Une problématique bien étudiée qui inquiète le monde entier, à qui l'on demande des efforts pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre afin de limiter autant que possible cette terrible fièvrefièvre.
Si l'on connaît les conséquences sur le niveau des mers et des écosystèmes en général du réchauffement climatique, des chercheurs canadiens spécialisés dans le tourisme à l'université de Waterloo (Canada) se sont penchés sur ses effets sur un événement planétaire majeur au cœur de l'actualité : les Jeux olympiques d'hiver. Dans une étude qu'ils ont eux-mêmes publiée, intitulée The Future of the Winter Olympics in a Warmer World, ils mettent en évidence les difficultés auxquelles devra faire face le Comité international olympique (CIO) lorsqu'il devra désigner la ville-hôte dans les décennies à venir.
Les instances sportives sont au fait de cette réalité, et le choix de l'heureuse élue dépend aussi de ses aptitudes à préserver l'environnement. Ces efforts sont consentis depuis 1998 et les Jeux de Nagano (Japon). La ville russe de Sotchi, où se déroulent actuellement les épreuves, s'est même réjouie d'avoir compensé l'émissionémission de 360.000 tonnes d'équivalent CO2 depuis sa désignation, en 2007. Soit l'équivalent des rejets annuels d'un territoire comme les Bermudes, petit archipel de l'Atlantique doté de 65.000 habitants, en 2008. Autrement dit, une goutte d'eau dans l'océan...
La technologie compense le manque de froid
Mais force est de constater que depuis la première édition des Jeux olympiques d'hiver en 1924, à Chamonix, la donne a nettement évolué. Dans l'organisation déjà : de 250 athlètes à l'origine, il y en avait 2.500 en 2010, lors de l'édition de Vancouver. Mais aussi dans les conditions climatiques : l'étude rappelle qu'entre les années 1920 et les années 1950, la température moyenne maximale sur les différentes villes-hôtes atteignait 0,4 °C. Entre les années 1960 et les années 1990, celle-ci s'élevait à 3,1 °C. Bien en dessous de celle mesurée entre 2002 et 2010, atteignant 7,8 °C !
Les températures moyennes maximales lors des Jeux olympiques d’hiver ne cessent d’augmenter. © Daniel Scott et al.
Certes, la technologie a jusque-là plus ou moins compensé la douceur climatique. Le hockey, qui se jouait à l'origine en extérieur, s'est définitivement installé dans les patinoires à Oslo, en 1952, huit ans avant le patinage artistique et le curling. En 1972, les pistes de luge, de bobsleigh, puis de skeletonskeleton et enfin de saut à ski sont réfrigérées. La neige artificielle, utilisée pour la première fois en 1980 à Lake Placid, s'est généralisée depuis Calgary, en 1988. D'ailleurs, à Sotchi, 500 canons à neige sont en position en cas de besoin. Mais ces avancées masquent un recul : celui du froid.
Neige et froid, conditions indispensables pour les Jeux
Les auteurs se sont intéressés à la climatologie des lieux. Ils ont considéré après analyse statistique de différents paramètres que deux indicateurs suffisaient pour déterminer la capacité d'une ville à accueillir un tel événement mondial. D'abord, des températures minimales moyennes inférieures à 0 °C au moment des compétitions (en février), sinon la glace et la neige se dégradent trop vite. D'autre part, une couche neigeuse d'au moins 30 cm, même mêlée à de la neige artificielle, car en deçà d'une telle hauteur, la pratique du ski devient compliquée. Ils suggèrent même que pour les descendeurs de l'élite, un manteaumanteau de neige de 60 cm est plus recommandable.
Les scientifiques ont établi qu'un site était climatiquement fiable pour recevoir les Jeux olympiques d'hiver lorsque ces deux conditions étaient réunies lors de 90 % des hivers. Entre 75 et 90 %, le lieu est considéré comme moyennement adapté à une compétition hivernale. En dessous de ce seuil de 75 %, les auteurs excluent toute possibilité pour qu'on y organise les Jeux.
En se basant sur ces critères, ils ont estimé les capacités des 19 villes ayant jusque-là accueilli les 22 Jeux olympiques à pouvoir les recevoir de nouveau en 2050 et 2080, en fonction des prédictions les plus optimistes ou, au contraire, les plus pessimistes. En ressort le schéma ci-dessous.
D’ici 2050, 4 des 19 villes-hôtes ne pourront plus accueillir les Jeux olympiques d’hiver dans de bonnes conditions (torches rouges). En 2080, seules six le pourraient très probablement (torches vertes). Les torches orange correspondent aux sites dont la fiabilité tourne entre 75 et 90 %. © Daniel Scott et al.
Les Jeux olympiques d’hiver bientôt en Antarctique ?
Dans le scénario selon lequel la température n'augmenterait que de 1,9 °C en 2050 par rapport à 1990, seules 11 des 19 sites rempliraient les deux critères. Dans quatre d'entre eux, on ne serait pas certain d'obtenir la quantité de neige suffisante, tandis que les quatre restants, dont Grenoble et Chamonix, ne disposeront plus des conditions climatiques suffisantes. En imaginant le pire, à savoir une hausse de 2,1 °C en 2050, ils ne seraient plus que dix à réellement être en mesure d'organiser les JO.
Ces dix villes pourraient toujours se porter candidates en 2080 si la température n'augmente que de 2,7 °C, selon les prévisions les plus optimistes. Mais elles ne seraient plus que six à y prétendre si les émissions de gaz à effet de serre restent fortes : Albertville, Calgary, Cortina d'Ampezzo, Saint-Moritz, Salt Lake City et Sapporo. Exit Innsbruck, Oslo ou Garmisch-Partenkirchen ! Une vraie raison de s'inquiéter pour les amateurs de sports d’hiver.