L’océan est le plus gros puits de carbone au monde. Toutefois, s’il le stocke, il n’inhibe pas son pouvoir sur le changement climatique. L’acidification des océans pourrait bien en effet amplifier l’accélération du réchauffement climatique.
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L'accélération du réchauffement climatique actuel est en partie attribuée à l'augmentation des gaz à effet de serre. Dioxyde de carbone, méthane, vapeur d’eau..., tous ces gaz amplifient l'effet de serre, et réchauffent donc l'atmosphère. Mais le climat résulte des interactions entre l'atmosphère, l'océan et les continents. Ces deux derniers contribuent aussi au changement climatique et peuvent amplifier ou ralentir le réchauffement de l'airair.
L'acidification des océans est la réponse de la mer à l'émissionémission accrue de gaz carbonique dans l'atmosphère. L'océan absorbe 50 % du dioxyde de carbone émis par l'Homme dans l'air. L'eau de mer réagit avec le CO2 atmosphérique et maintient l'équilibre entre trois espèces minérales dissoutes : les bicarbonatesbicarbonates (HCO3-), les carbonates (CO32-) et le dioxyde de carbone dissous (CO2). La salinitésalinité de l'océan dépend de l'équilibre entre ces espèces et l'acidité aurait progressé de 30 % depuis l'ère industrielle. Elle inciterait le phytoplancton à émettre beaucoup moins de soufresoufre. Celui-ci est pourtant impliqué dans la formation des nuagesnuages et donc dans le refroidissement de l'atmosphère.
Lorsque les bonnes conditions d'ensoleillement, de température et d'apports en sels nutritifs sont réunies, il se produit une efflorescence algale, c'est-à-dire un fort développement de phytoplancton. En réalistant la photosynthèse, ce phytoplancton consomme du dioxyde de carbone, et émet de l'oxygène, mais aussi du soufre. Ce dernier peut, sous forme de DMS, favoriser la formation des nuages. © Nasa
Dans l'océan, le phytoplanctonphytoplancton engendre la libération dans l'atmosphère de diméthylsulfurediméthylsulfure (DMS) . Au contact de l'air, les DMS réagissent et se transforment en acides sulfuriquesacides sulfuriques qui s'agglutinent et forment des aérosolsaérosols. Sans eux, il n'y a pas de formation de nuages. En effet, un aérosol joue le rôle de noyau de condensationnoyau de condensation pour les gouttelettes d'eau, ce qui amorce la formation du nuage. Plus il y a d'aérosols, plus il y a de noyaux de condensation et plus il y a de petites gouttelettes augmentant ainsi la réflectivité des nuages. Ils renvoient alors plus de rayonnement solairerayonnement solaire vers l'espace, ce qui refroidit la planète.
Le phytoplancton produit moins de DMS
Tous les aérosols n'ont pas les mêmes propriétés. La suie par exemple a un pouvoir absorbant important, elle réchauffe donc l'atmosphère. Par ailleurs, suivant son altitude, un nuage peut avoir un rôle dans l'effet de serre. S'il est bas, le nuage réémet beaucoup d'énergieénergie vers l'atmosphère, s'il est fin et haut, le nuage a un faible pouvoir réfléchissant, il absorbe donc beaucoup de rayonnement et amplifie l'effet de serre. Dans la majorité des cas, les nuages formés à partir des DMS océaniques sont épais et bas, et contribuent donc au refroidissement de l'atmosphère.
Pendant longtemps, on a pensé que l'augmentation du dioxyde de carbone dans les océans accroîtrait l'efflorescenceefflorescence de phytoplancton. Ceux-ci fourniraient alors plus de DMS à l'atmosphère, ce qui augmenterait la couverture nuageuse, et atténuerait donc à terme le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Toutefois des études en mésocosmesmésocosmes, c'est-à-dire des mises en conditions réelles en laboratoire, ont montré qu'en diminuant le pH de l'eau, le phytoplancton produit moins de DMS. À l'échelle mondiale, cela pourrait avoir d'importantes conséquences sur le réchauffement global.
L’acidité des océans amplifie le réchauffement climatique
Parce qu'il est difficile d'extrapoler la réponse d'un mésocosme à la réponse des océans dans le monde, une équipe du Max Planck Institute for Meteorology d'Hamburg a incrémenté les modèles climat des données obtenues en mésocosme. Les données ont été appliquées à un modèle utilisé par le GiecGiec avec un scénario modéré, qui prévoit une augmentation de la température de 2,1 °C à 4,4 °C pour l'année 2100.
Les résultats des simulations, commentés dans la revue Nature Climate Change, suggèrent qu'à l'échelle mondiale, le lien entre diminution du pH et production de DMS contribuerait à une augmentation de température additionnelle de l'ordre de 0,23 °C à 0,48°C.
Beaucoup ont tendance à considérer l'océan comme le puits de carbonepuits de carbone le plus efficace. Néanmoins, le dioxyde de carbone absorbé par l'eau de mer a toujours un fort pouvoir sur le climat. Ces résultats n'ont pas surpris l'équipe du Max Plank, mais ils soulignent l'importance de la prise en compte de ce type de forçage souvent négligé dans les modèles.