Le réchauffement que connaît actuellement l’Arctique n’a pas été égalé depuis au moins 44.000 ans. Pour la première fois, une équipe scientifique montre, preuves à l’appui, que le réchauffement actuel dans l’est du Grand Nord canadien défie la variabilité naturelle du climat.

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    Depuis les années 1970, la banquise arctique perd 12 % de sa surface totale par décennie. Le Giec rapporte par ailleurs que la fontefonte de la calotte polaire groenlandaise s'est accélérée, elle perdait 34 Gt d'eau par an entre 1992 et 2001, et six fois plus entre 2002 et 2011. Il n'y a pas de doute, le pôle Nord réagit au changement climatique, mais le débat sur le rôle de l'activité anthropique est toujours aussi vif. Pour une équipe de l'université du Colorado à Boulder, le constat est sans appel, le réchauffement actuel se détache de tout ce qui a pu être attribué à la variabilité naturelle du climat.

    Preuves à l'appui, l'équipe montre que la température estivale dans l'est du Grand Nord canadien est plus haute ces 100 dernières années que durant n'importe quel siècle des dernières 44.000 années. Il est même probable qu'elle majore la température des siècles survenus jusqu'à voilà 120.000 ans. Leurs résultats, publiés dans les Geophysical Research Letters constituent la première preuve directe que le pic de température actuel dépasse celui du début de l'Holocène, où l'hémisphère nord recevait pourtant 9 % de rayonnement solaire supplémentaire.

    Le chercheur Gifford Miller recueille des racines de plantes, qui jusqu'à il y a encore peu était emprisonnées dans la glace. © Gifford Miller, Université du Colorado

    Le chercheur Gifford Miller recueille des racines de plantes, qui jusqu'à il y a encore peu était emprisonnées dans la glace. © Gifford Miller, Université du Colorado

    L'équipe de l'université du Colorado, menée par le chercheur Gifford Miller, base ses résultats sur la datation au radiocarbone de plantes de la toundratoundra, de plus en plus apparentes avec le recul des glaciers. Les scientifiques en ont daté plus de 145, découvertes en différents points géographiques de l'île de Baffin. C'est la plus grande île canadienne, et la sixième plus grande au monde. La majeure partie de l'île est située dans le cercle arctiquearctique, et le terrain y est si plat que le paysage emprisonné sous les glaces est resté quasiment intact au fil du temps. En quatre points différents de l'île, la datation au carbonecarbone indique que les plantes n'ont pas été exposées aux éléments depuis 44.000 à 51.000 ans.

    Depuis 20 ans, le recul des glaces sur l’île de Baffin est drastique

    Comme la datation au carbone n'est fiable que pour une période de 50.000 ans, il est impossible d'utiliser la méthode pour déterminer si les plantes sont encore plus vieilles que cela. Toutefois, les données d'archives géologiques de carottescarottes indiquent qu'au-delà de 50.000 ans, la TerreTerre était en période de glaciation. D'après ces données géologiques, il faudrait remonter au moins jusqu'à 120.000 ans de cela pour retrouver les même conditions de température qu'aujourd'hui.

    La clé de l'étude est bien là. Le réchauffement actuel défie la variabilité climatique naturelle. « Bien que la température de l'airair en Arctique augmente depuis 1900 environ, le réchauffement le plus important sur l'île de Baffin a vraiment commencé dans les années 1970, explique Gifford Miller dans un communiqué de l'université du Colorado. Au cours de ces 20 dernières années, le réchauffement de la région a été tout simplement sensationnel. Toute la glace de l'île de Baffin est en fusionfusion, et nous nous attendons à ce que les calottes glaciairescalottes glaciaires disparaissent à terme, même s'il n'y a pas de réchauffement supplémentaire. »