au sommaire
Le climat de la Terre est un système dynamique complexe où plusieurs facteurs entrent en jeu sur des échelles de temps et d'espace différentes et avec des boucles de rétroactionboucles de rétroaction. Cela rend difficile, mais pas impossible, la compréhension du passé et de l'avenir de notre planète. Des considérations de physiquephysique mais aussi de chimiechimie, de biologie, de géologie et d'astronomie sont nécessaires pour décrypter le phénomène. Un article publié dans le journal Geophysical Research Letters par un groupe de spécialistes en géosciences le montre à nouveau.
On sait, depuis les travaux de l'astronomeastronome et géophysicien serbe Milutin Milankovitch, que des modifications de l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre et de l'excentricitéexcentricité de son orbiteorbite sont largement responsables des glaciations cycliques dont on observe clairement les effets pendant l'ère quaternaire. Ces ères glaciaires durent environ 100.000 ans pendant lesquelles le climat se refroidit en environ 80.000 ans avant de se réchauffer en environ 20.000 ans. Une ère interglaciaire se produit alors, précédant une nouvelle glaciation de chaque cycle de Milankovitch.
Le dernier épisode glaciaire (d'environ -120.000 à -10.000 ans) est nommé « glaciation de Würm » dans les Alpes, « Vistulien » en Europe du Nord et « glaciation de Wisconsin » en Amérique du Nord. Il a notamment conduit à la formation d'un inlandsis dans les Andes, au niveau de la Bolivie et de la Patagonie. Il s'agit de régions volcaniques puisqu'elles se trouvent sur le fameux cercle de feufeu, plus précisément au bord de la subduction de la plaque pacifique, sous les Amériques.
Or il faut savoir que lorsque d'importants glaciers couvrent une partie des continents, ceux-ci s'enfoncent localement dans le manteaumanteau comme le ferait un bateau surchargé. Lorsqu'une glaciation se termine, le phénomène inverse se produit : les massesmasses continentales remontent et on appelle ce phénomène le rebond postglaciaire, ou encore l'ajustement isostatiqueajustement isostatique. On l'observe surtout dans les régions d'Europe septentrionale, en particulier l'Écosse, la Fennoscandie et le nord du Danemark mais aussi en Sibérie et avec les Grands Lacs du Canada.
Terminaison du glacier Franz Josef montrant le ruisseau sous-glaciaire dont les eaux sont chargées de particules sédimentaires. Les roches affleurant sur la droite ont été fortement érodées par l’abrasion du glacier avant son retrait. © O. Beyssac
Le rebond postglaciaire dépressurise le magma, causant des éruptions
Le rebond postglaciaire peut avoir des conséquences importantes si la région où il se produit est volcanique. En effet, le manteau étant soumis à une pressionpression plus faible, son taux de fusion partiellefusion partielle se met à augmenter par endroits et il se forme donc plus de magmamagma. La dépressurisation augmente aussi la formation des bulles de gazgaz, comme on peut s'en convaincre en débouchant une bouteille d'eau gazeuse. On peut donc s'attendre, et les observations et mesures l'ont vérifié, à une augmentation notable de l'activité volcanique dans ces régions.
Cependant, qui dit augmentation de l'activité volcanique dit in fine une augmentation de l'injection de CO2 dans l'atmosphèreatmosphère et donc une accélération du processus de fontefonte des glaciersglaciers déjà entamé en fin de glaciation. Voilà sans doute pourquoi la fonte des calottes polairescalottes polaires est plus rapide que leur formation à la fin d'une période glaciairepériode glaciaire.
Bien que le lien entre accroissement de l'activité volcanique dans une période interglaciaire soit incontestablement relié au rebond postglaciaire, on avait tout de même du mal à rendre compte de son intensité.
D'après les modélisationsmodélisations numériquesnumériques conduites par les chercheurs et comme ils l'expliquent dans leur article, on avait sous-estimé l'importance des masses rocheuses déplacées par l'érosion causée par la fonte des glaciers et qui contribue à araseraraser les montagnes. Toutefois, qui dit une plus grande quantité de matièrematière enlevée en surface dit une dépressurisation encore plus importante dans le manteau et donc une activité volcanique productrice de gaz à effet de serre.
Si ces chercheurs ont raison, on tiendrait là le facteur manquant permettant de mieux expliquer tout à la fois l'amplitude de l'activité volcanique interglaciaire et la rapiditérapidité de la fin des âges glaciaires.