La géoingénierie fait rêver et rassure ceux qui y voient un moyen de réduire le réchauffement climatique en retirant le gaz carbonique de l'atmosphère. Même si cette opération (à supposer qu'elle soit possible) est menée à bien dans un avenir trop lointain, elle ne résoudra pas le redoutable problème de l'acidification des océans.

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    Pour certains, les problèmes environnementaux qui vont se faire de plus en plus préoccupants au cours du XXIe siècle vont nous pousser à changer radicalement nos modes de vie en adoptant des solutions technologiquement plus durables. Pour d'autres, au contraire, les progrès technologiques, à un rythme sans cesse accéléré, vont nous sauver et même déboucher sur une ère d'abondance sans précédent.

    La raréfaction de certains métauxmétaux clés ? Il suffit de conquérir les astéroïdes ! Le réchauffement climatique ? Il suffit de se lancer dans la géoingénierie en retirant de l'atmosphère le carbonecarbone imprudemment injecté par l'ère industrielle puis de le séquestrer géologiquement. La société canadienne Carbon Engineering (CE) croit à cette solution et développe un prototype de machine. En cas de succès, il faudrait bien sûr pouvoir produire massivement des systèmes de ce genre afin d'espérer en revenir en quelques décennies au taux de CO2 atmosphérique du début du XXe siècle, ce qui n'a rien d'évident.

    L'idée existe aussi de mettre à contribution des plantes particulièrement gourmandes en carbone, comme le peuplier, dont la croissance est rapide, éventuellement produites par le génie génétiquele génie génétique. Mais cela pose alors le problème de la surface des sols occupée par la culture de ces plantes, cette production se faisant au détriment des cultures vivrières.


    Depuis quatre ans, le XL Catlin Seaview Survey cartographie les récifs coralliens. On entend dans cette vidéo Christophe Bailhache lui-même. Il explique qu'il a passé la majorité de sa vie dans l'océan à prendre des images. En cartographiant les océans, on peut en effet mieux les comprendre et les protéger. Avec la technologie actuelle, il est maintenant possible de plonger virtuellement partout sur la planète. © Earth Outreach

    Des océans qui resteraient acides pendant des siècles

    Une équipe internationale de chercheurs en géosciences vient de publier dans Nature Climate Change un article dans lequel elle met en garde les décideurs politiques. Ce serait une grave erreur, selon eux, de poursuivre le développement économique et industriel en attendant que la technologie rende possible un programme de géoingénierie efficace, même si cette opportunité apparaît dans seulement quelques décennies.

    Le problème vient des océans. Ceux-ci sont en mesure d'absorber une partie du gaz carboniquegaz carbonique de l'atmosphère mais cela a un coût : ils deviennent acidesacides. Cette acidification est préoccupante car elle menace des espèces vivantes marines (plancton, coraux, crustacés et mollusquesmollusques à coquillescoquilles) et donc à terme une large part des écosystèmesécosystèmes et de la chaîne alimentairechaîne alimentaire. Comme nous l'avaient expliqué les membres du Catlin Seaview Survey, les récifs coralliensrécifs coralliens font vivre une importante population, leur destruction serait donc catastrophique aussi pour les humains, et de manière directe.

    Il ne suffit donc pas de retirer du CO2 de l'atmosphère, il faut aussi pouvoir le retirer des océans. Pour évaluer l'impact de la géoingénierie sur ce phénomène, les chercheurs ont conduit des simulations sur ordinateurordinateur. Il est apparu que l'océan mondial a une forte inertieinertie. Si la réduction de la teneur atmosphérique en gaz carbonique survient dans un futur lointain, la circulation océanique aura transporté à grande profondeur une telle quantité d'eau acide que l'océan resterait trop acide pendant des siècles. Dans le pire des cas, c'est-à-dire des rejets de gaz carbonique sans régulation jusqu'en 2150, même en retirant 90 milliards de tonnes de CO2 chaque années, ce qui est le double des émissionsémissions actuelles, l'état de l'océan resterait critique bien après 2200.

    Cela ne signifie pas que la géoingénierie ne pourra pas jouer un rôle mais il nous faut dès maintenant infléchir fortement nos émissions de gaz carbonique avant qu'il ne soit trop tard. Un changement de mode de développement est donc inévitable.