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Le terme « saumon du Pacifique » rassemble cinq espèces du genre Oncorhynchus : le saumon rose, le saumon rouge, le saumon quinnat ou royal (en photo), le saumon kéta et le saumon coho. Leurs élevages ont débuté il y a plus d'un siècle. Près de 800 écloseries sont répertoriées à ce jour autour de l'océan Pacifique. © Pacific Northwest National Laboratory
Les saumons sont anadromesanadromes. Ils se reproduisent en eau douce mais vivent principalement en eau de mer. Leurs populations souffrent depuis de nombreuses années de la destruction progressive de leurs habitats et de la constructionconstruction de barrages sur les routes de migrations. Elles déclinent effectivement dans plusieurs régions du monde, comme l'océan Pacifique. Cette situation pose de nombreux problèmes, notamment parce que la pêche de ces poissons rapporte chaque année plusieurs milliards de dollars et emploie des milliers de personnes.
Pour pallier la disparition des saumons sauvages du Pacifique, de nombreuses écloseries ont vu le jour depuis les années 1970 au Canada, aux États-Unis, au Japon ou encore en Russie. Elles reproduisent artificiellement les cinq mêmes espèces de poissons, rassemblées sous le vocable « saumon du Pacifique », les font grandir à des vitessesvitesses record puis les libèrent dans l'environnement à l'état juvénile. Dans le seul Pacifique, plus de 5 milliards d'individus seraient ainsi mis à l'eau chaque année.
Les souches sauvages et d'élevage peuvent se reproduire entre elles et donc partager leur patrimoine génétiquegénétique. Ce fait est déjà scientifiquement avéré et implique qu'il doit exister une cohabitation. Étonnamment, cette simple affirmation reste peu documentée, tout comme les conséquences écologiques liées à la libération massive d'animaux d'élevage. La revue Environmental Biology of Fishes vient de publier, non pas une, mais vingt-trois études qui décrivent en détail ces différents aspects et les conséquences possibles à long terme de ce type de pratique. La conclusion est simple : les saumons sauvages du Pacifique pourraient disparaître en premier, puis être suivis par leurs homologues d'élevage...
Les lâchers de saumons d'élevage réalisés en 2010 dans l'océan Pacifique. Les points rouges correspondent aux lieux de libérations. Les couleurs se réfèrent à des espèces précises présentées dans le graphique du bas (à gauche), qui présente le nombre d'individus libérés par espèce (en millions). Le diagramme de droite indique le nombre de poissons libérés par pays pour l'Alaska, le Canada, la Corée, les États-Unis, le Japon et la Russie (en millions). © Wild Saumon Center
Des siècles d’évolution bientôt détruits par l’Homme ?
Les organismes sauvages abritent, contrairement aux autres, une grande diversité génétique puisqu'ils n'ont pas fait l'objet de sélections drastiques, causes d'un appauvrissement du patrimoine génétique, par des industriels cherchant à produire le plus grand nombre de poissons en un minimum de temps. Les poissons sauvages peuvent donc mieux répondre et s'adapter à des changements de l'environnement, là où leurs congénères trop bien élevés auraient du mal à trouver les bons gènesgènes. Les sauvages n'ont-ils pour autant rien à craindre ? Pas si sûr, disent les chercheurs.
Les nouvelles études s'accordent en effet toutes sur un point : les deux groupes entrent en compétition pour l'accès à la nourriture et aux habitats, indifféremment dans les rivières ou les océans. Malheureusement, les souches d’élevage auraient actuellement le dessus. En causant la disparition progressive des saumons sauvages, elles provoquent inexorablement un appauvrissement de la diversité génétique.
Les individus relâchés, après avoir causé la disparition de leurs homologues, pourraient ensuite avoir beaucoup de mal à s'adapter à des changements environnementaux pouvant survenir dans le futur. Une augmentation rapide de la température des océans pourrait par exemple les mener vers l'extinction, ou du moins provoquer un effondrementeffondrement de leur population mondiale, impactant directement la filière de la pêche. Des précautions devraient donc être prises dès maintenant pour éviter d'en arriver à ce point.
Les saumons d’élevage n’ont pas de frontière
Les efforts doivent être internationaux. Les études le démontrent également très bien. L'une d'entre elles relate le cas particulier du saumon kéta. Des spécimens libérés au Japon ont été incriminés, étude génétique à l'appui, dans la disparition de populations sauvages de l'Alaska, soit à plus de 4.000 km de leur point d'origine. L'explication est simple : les sources de nourriture présentes dans le Pacifique nord se retrouvent également dans la mer de Béring.
Ces études apportent un regard neuf sur l'exploitation des saumons dans le Pacifique. Il est urgent de développer des consortiums internationaux pour se pencher sur les problématiques abordées. L'apparition d'un événement entraînant un effondrement des stocks de saumon aurait des conséquences désastreuses non seulement sur l'environnement, mais aussi sur de nombreuses filières économiques. Le risque a été présenté, les autorités visées ne pourront pas dire qu'elles n'ont pas été prévenues...