La puissance des méthodes de la géochimie n’a rien à envier à celle de la mécanique céleste. Grâce à elle, le docteur Gerhard Schmidt de l’Université de Mainz, en Allemagne, pense avoir réussi à expliquer les abondances de certains éléments dans la croûte terrestre, comme l’or et le platine. Ils auraient été apportés à l’Hadéen par la chute d’environ 160 météorites métalliques.

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    L'une des branches les plus fascinantes de la chimiechimie est la cosmochimie. Elle consiste à étudier avec les méthodes des laboratoires terrestres la chimie à l'œuvre dans les nuages interstellairesnuages interstellaires, dans les disques d'accrétiondisques d'accrétion à l'origine de systèmes planétaires et, bien sûr, lors de la formation et de l'évolution de la Terre, où elle devient de la géochimie. Le prix Nobel Harold Urey avait été un des premiers à comprendre que la cosmogonie du système solaire n'était pas seulement un problème de mécanique céleste et d'hydrodynamique, comme le pensaient Laplace, Poincaré et Jeans, mais aussi un problème de thermodynamiquethermodynamique et de chimie.

    Les abondances d'éléments, de moléculesmolécules et leurs modifications au cours du temps dans les différentes parties des astresastres du système solairesystème solaire non seulement influencent leurs évolutions mécanique et thermique, mais elles permettent aussi d'en garder la mémoire et d'en lire l'histoire pour qui sait en déchiffrer le langage, c'est-à-dire en faisant parler les minérauxminéraux et les atomesatomes que ces astres contiennent.

    Patiemment, c'est ce qu'a réalisé le géochimiste Gerhard Schmidt avec ses collègues durant plus de dix années de travail. Ils ont ainsi déterminé que la composition de la croûte terrestre s'expliquait aisément, en ce qui concerne certains métauxmétaux connus, les éléments hautement sidérophiles, si l'on suppose que près de 160 météoritesmétéorites métalliques, d'un diamètre moyen de 20 kilomètres, sont tombées sur notre planète peu de temps après la différenciation de la Terre en noyau, manteaumanteau et croûte.

    En effet, lorsque, au tout début de l'histoire du système solaire, un corps céleste rocheux atteignait une taille de l'ordre de quelques centaines de kilomètres de diamètre, la quantité d'éléments radioactifs qu'il contenait était telle que sa chaleurchaleur interne favorisait une fusion partielle mais importante. Cette liquéfactionliquéfaction conduisait à la chute vers son centre des éléments lourds, comme le ferfer et le nickelnickel, très abondants.

    Pourquoi tant d'or dans la croûte terrestre ?

    C'est ainsi que le noyau métallique de la Terre a dû se former en quelques dizaines de millions d'années et que l'on retrouve des météorites très riches en fer et en nickel, vestiges de collisions entre des petits corps célestes qui, tout comme la Terre, avaient subi un processus de différenciation. Des collisions ultérieures dans le jeune système solaire, alors très chaotique, ont conduit à la fragmentation de ces corps. Lorsqu'on tient dans sa main une météorite, comme celle de Rancho Gomelia, on tient un morceau de cœur de planète rocheuseplanète rocheuse...

    Cliquez pour agrandir. A l'Hadéen, le bombardement de la Terre par des météorites était encore intense. Crédit : Fahad Sulehria

    Cliquez pour agrandir. A l'Hadéen, le bombardement de la Terre par des météorites était encore intense. Crédit : Fahad Sulehria

    Or, comme leur nom l'indique, des éléments hautement sidérophiles (HSE pour Highly Siderophile Elements), par exemple l'or, la platineplatine, le palladiumpalladium et le rhodiumrhodium, ont tendance à se concentrer dans les matériaux riches en fer. Le processus qui a conduit à la formation du noyau de la Terrenoyau de la Terre a donc dû appauvrir significativement le manteau de la Terre, et bien sûr sa croûte.

    Comment se fait-il alors que l'on retrouve encore des quantités notables de ces éléments à la surface de la Terre ? L'explication la plus naturelle est justement qu'ils ont été apportés ultérieurement, lorsque le processus de différenciation de la planète était terminé, par la chute de morceaux de cœur des petits astéroïdesastéroïdes précédents, naturellement enrichis en ces HSE.


    Cliquez pour agrandir. Une représentation d'artiste de la collision de Théia avec la Terre. Crédit : Fahad Sulehria

    Pour en être sûr, il faut comparer les abondances en HSE des fragments de météorites métalliques avec celles de la croûte terrestre. Gerhard Schmidt et ses collègues constatent que ces abondances sont remarquablement similaires, ce qui soutient bien l'idée d'un apport ultérieur peu de temps après la formation de la planète lorsque le bombardement météoritique étaient encore important, c'est-à-dire pendant l'Hadéen. Il se pourrait même qu'une large part des HSE ait été apportée par la collision de Théia avec la Terre, une petite planètepetite planète de la taille de Mars et qui a entraîné la formation de la LuneLune.

    Une météorite métallique sur Mars. Crédit : Nasa

    Une météorite métallique sur Mars. Crédit : Nasa

    Les abondances observées s'expliquent bien si l'on suppose que les météorites les ayant amenées sur Terre se sont formées quelque part entre MercureMercure et VénusVénus, une région du disque protoplanétairedisque protoplanétaire où règnaient les conditions thermodynamiques conduisant à la condensationcondensation de roches de cette composition chimique et minéralogique. C'est ce que suggère en tout cas le rapport des abondances de ruthéniumruthénium et d'iridiumiridium.

    Remarquablement, les rapports d'abondances de HSE dans les météorites d'origine martienne connues sur Terre, provenant donc de sa croûte, sont elles aussi similaires avec celles des météorites ferreuses que l'on connaît. On pense donc qu'un même processus a été à l'œuvre sur Mars.