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La greffe de visage semble être désormais au point. © Licence Creative Commons
Le patient âgé de 35 ans, prénommé Jérôme, souffrait d'une maladie génétique, la neurofibromatose, qui lui déformait le visage. Les 26 et 27 juin derniers, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, le professeur Laurent Lantieri et son équipe lui ont greffé un visage entier, prélevé sur un multidonneur d'organes. Les paupières, la bouche, le système lacrymal... Toutes les parties du visage ont été greffées avec succès. Le patient irait très bien et serait même déjà capable de parler et de manger : le résultat serait donc une réussite.
Il ne s'agit pas de la première greffe spectaculaire d'organes externes : après la greffe des deux mains pour Denis Chatelier en janvier 2000, qui d'ailleurs supporte bien ses greffons et semble avoir retrouvé une vie normale, c'est au tour des greffes de visage. En novembre 2005, déjà en France au CHU d'Amiens, Isabelle Dinoire mordue au visage par son chienchien se voyait greffée d’une partie de visage, comprenant le nez, la bouche et le menton. Sa sensibilité au toucher et à la chaleurchaleur, de même que sa capacité à sourire et à parler, se seraient améliorés progressivement, au point qu'elle passerait même inaperçue dans la foule.
A l'époque, cette opération avait soulevé des questions d'éthique : comment peut-on vivre sereinement avec le visage d'une personne décédée ? En fait, le visage greffé est constitué principalement des parties flexibles du visage, peau, tissu conjonctif, muscles... Avec le recul, on sait maintenant que ces tissus s'adaptent à la morphologiemorphologie osseuse du receveur, ce qui donne au visage reconstitué un aspect très différent de celui du donneur. Quoiqu'il en soit, les greffés du visage bénéficient tout de même d'un suivi psychologique.
Laurent Lantieri, chirurgien français ayant réalisé la première greffe totale de visage au monde, les 26 et 27 juin 2010 au CHU de Créteil. © AFP
Certainement le premier d’une longue liste
Le principal obstacle reste le rejet : les tissus greffés ne portant pas le même patrimoine génétique, ils sont attaqués par le système immunitairesystème immunitaire du receveur. Les patients doivent donc suivre, tout au long de leur vie, un lourd traitement immunosuppresseurtraitement immunosuppresseur permettant d'éviter au maximum les rejets immunitaires. Certains patients ne l'ont d'ailleurs pas supporté, à l'image de Clint Hallam, premier greffé de la main, qui a préféré se faire amputer de son greffon que de continuer à suivre le traitement.
Après Isabelle Dinoire, d'autres patients ont aussi bénéficié de greffes partielles de visage. Le professeur Laurent Lantieri en a d'ailleurs réalisé certaines : Pascal, 27 ans, qui comme Jérôme, était atteint de neurofibromatose, mais aussi Jean-Philippe, un grand brûlé greffé à la fois du visage et des deux mains. Depuis, quelque onze patients ont pu bénéficier de greffes partielles du visage dans le monde. En revanche, la greffe totale de visage serait une première mondiale, d'après le professeur Lantieri.
Toutefois, en mars 2010, une équipe espagnole menée par le professeur Joan Pere Barret avait revendiqué la première greffe totale de visage, opération effectuée pendant 24 heures à l'hôpital Vall d'Hebron à Barcelone. Rapportée par le journal BMJ, l'opération aurait nécessité la participation de 30 chirurgiens, anesthésistes et infirmières pour greffer la peau, les muscles, le nez, les lèvres, l'os maxillaireos maxillaire supérieur, les dents, le palais, les pommettes et la mandibulemandibule. Seuls les yeuxyeux et la langue n'auraient pas été transplantés.
En plus du professeur Lantieri qui aurait obtenu l'autorisation de greffer cinq autres patients, deux autres équipes chirurgicales, britannique et américaine, pourront aussi réaliser des greffes totales de visage. La grande aventure de la greffe totale de visage est donc en marche.