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L'étude des roches profondes de la croûte océanique se poursuit à bord du JOIDES Resolution. Dans l'histoire de la recherche océanographique, les roches primitives n'ont jamais été explorées de si près, alors que la croûte océanique couvre deux tiers de la surface du globe. Sa genèse est liée à l'émissionémission des magmas à l'aplomb des dorsales et à son refroidissement plus ou moins brutal.
Les dorsales rapides (aux remontées de magma continues), comme celle du Pacifique est, produisent plus de 50 % de cette croûte. Autant dire que le fonctionnement des chambres magmatiques à l'origine des gabbros demeure un élément clé de la connaissance de notre planète.
Si la mission au rift du Hess Deep est focalisée sur les fonds marins, en surface, tortues (à gauche) et globicéphales (à droite) tournent autour du JOIDES Resolution. © Jean-Luc Berenguer
Plaques tectoniques et échantillons de gabbros
S'il n'est pas possible d'étudier in situ ces chambres magmatiques (en particulier à cause des conditions de température et de pressionpression), on peut néanmoins examiner les roches produites par le refroidissement de ces magmas : les gabbros. Le bateau est au rift du Hess Deep, où se rencontrent les plaques tectoniques pacifiques, de Cocos et de Nazca. Le forage du puits U1415 J a fourni aux scientifiques à bord de beaux échantillons de roches. Ils sont exceptionnels : peu altérés, avec de gros cristaux dont les lames minces sont magnifiques.
« On y trouve les habituels silicatessilicates plagioclases, assez communs dans les roches magmatiquesroches magmatiques, mais aussi de grands cristaux de pyroxènepyroxène et des olivinesolivines caractéristiques de milieux proches du manteau terrestremanteau terrestre », commente le professeur Jean-Luc Berenguer. La structure, la densité, les minérauxminéraux ou encore le magnétisme des roches sont scrutés par l'équipe internationale. Les géologuesgéologues cherchent à décrypter l'histoire de la formation d'une grande partie de la surface du globe.
Les chercheurs européens de l'équipe scientifique prennent la pose sur le pont du JOIDES Resolution. Quatre chercheurs français participent à l'aventure. © IODP
Le JOIDES Resolution se déplace sur le rift du Hess Deep
Plusieurs modèles scientifiques sont envisagés, résultant d'études effectuées pour la plupart sur des lambeaux de croûte océanique retrouvés sur les continents (à la suite de la disparition d'un océan). Dans ces affleurementsaffleurements, les ophiolites, il faut distinguer toutes les étapes subies par cette croûte au cours du temps. Les gabbros du Hess Deep, jeunes d'un million d'années, devraient donc permettre d'enrichir les connaissances acquises. Toutefois, bien que récents, ils montrent déjà des altérations. L'olivine verte s'est transformée en serpentineserpentine, et en magnétitemagnétite qui donne une couleurcouleur noire à la roche. L'eau de mer est également un facteur non négligeable et intervient très tôt dans l'altération des roches.
À la suite de ces découvertes, les recherches ont une nouvelle fois dû être arrêtées : le puits J s'est effondré. Les carottescarottes de roches ne parviennent plus jusqu'au bateau. Jean-Luc Berenguer raconte : « depuis que le puits U1415 J a vu ses parois s'effondrer, le JOIDES Resolution est à la recherche d'un nouveau site... Mais les choses sont décidément difficiles dans ce rift profond, les pentes sont très instables. »
Les scientifiques à bord du JOIDES Resolution travaillent sur les cartes bathymétriques du rift du Hess Deep, pour déterminer le prochain lieu de forage. © Jean-Luc Berenguer
Un nouveau puits, de nouveaux forages
Les pentes rendent alors difficile l'installation des cônescônes d'entrée du puits. Sur le tableau du laboratoire, les noms des puits ouverts s'enchaînent : K, L, M, N, O, etc. Autant d'essais, autant d'insuccès. Le plancherplancher de l'océan s'effondre sous la massemasse des cônes d'entrée, glissés depuis le bateau sous l'effet de leur poids le long des tiges de forage. Ils sont pourtant indispensables pour marquer l'entrée du puits et pour pouvoir aisément y revenir (après un changement du matériel de forage, par exemple).
À gauche, la caméra montre l'ouverture d’un nouveau puits, U1415 P. Et à droite, le nouveau trépan prêt à forer le nouveau puits si l’installation du cône d’entrée est réussie. © Jean-Luc Berenguer, IODP
Les scientifiques en étaient à la lettre P lorsqu'ils ont réussi à installer un nouveau puits. Nommé U1415 P, il a été ouvert sur une douzaine de mètres avec un trépantrépan particulier, qu'il a ensuite fallu changer. Le cône y est ensuite descendu : il glisse le long des tiges déjà positionnées, et se dépose sur le plancher océanique. Après quelques essais périlleux, la caméra a confirmé qu'il était bien en place, enfoncé sur une dizaine de mètres. Le trépan et tout le train de tiges se sont alors mis en action.
La résistancerésistance du plancher au forage est un bon signe. « Sur le pont, tout comme au laboratoire, on croise les doigts ! » Finalement, la mission continue, les techniciens se sont écriés « Core on deck... core on deck ! » De nouvelles roches sont arrivées sur le pont.