Des chercheurs du Laboratoire de Géosciences Marines de l'Institut de Physique du Globe de Paris (CNRS-IPGP), de la Woods Hole Oceanographic Institution (US) et de l'Université de Lisbonne (Centro de Geofisica) publient, la première image d'une chambre magmatique et des failles associées observées sous une dorsale océanique lente. Cette découverte a été réalisée lors de la campagne océanographique SISMOMAR, effectuée en 2005 à bord du navire L'Atalante de l'Ifremer, sur le segment de dorsale portant le volcan Lucky Strike auquel est associé un important site hydrothermal.

La croûte océanique, d'une épaisseur moyenne de 5 à 7 km, est crée à l'axe des dorsales océaniques qui délimitent deux plaques tectoniques. C'est là que se produit l'expansion océanique par la conjonction de processus magmatiques (remontée de laves basaltiques issues de la fusion du manteau) et tectoniques. Le long des dorsales à taux d'ouverture rapide (de 8 à 17 cm par an) comme la dorsale pacifique Est, le magma se rassemble dans des « réservoirs » permanents : les chambres magmatiques. Plusieurs d'entre elles ont été observées et étudiées. Pour les dorsales lentes (taux d'ouverture de 2 à 4 cm par an) comme la dorsale médio-Atlantique, on pense que des chambres magmatiques plus éphémères doivent également exister, mais aucune n'avait encore pu être nettement observée jusqu'à la campagne SISMOMAR de 2005.

<br />Figure 1 - Segment de la dorsale médio-Atlantique au site Lucky Strike. Le contour fin noir est à 2000 mètres de profondeur, il délimite le volcan au centre de la vallée axiale et l'étoile bleue indique le champ hydrothermal. Les pointillés rouges indiquent les failles qui bordent la vallée axiale et les pointillés noirs celles qui délimitent le fossé central (rift). Le rectangle blanc indique la zone d'étude, les traits noirs les profils de sismique réflexion et les traits rouges l'emplacement de la chambre magmatique.<br />&copy; IPGP-CNRS

Figure 1 - Segment de la dorsale médio-Atlantique au site Lucky Strike. Le contour fin noir est à 2000 mètres de profondeur, il délimite le volcan au centre de la vallée axiale et l'étoile bleue indique le champ hydrothermal. Les pointillés rouges indiquent les failles qui bordent la vallée axiale et les pointillés noirs celles qui délimitent le fossé central (rift). Le rectangle blanc indique la zone d'étude, les traits noirs les profils de sismique réflexion et les traits rouges l'emplacement de la chambre magmatique.
© IPGP-CNRS

Au cours de cette campagne, l'équipe scientifique a procédé sous la direction de Satish Singh et Wayne Crawford (1) à une imagerie à trois dimension (par sismique réflexion) d'un segment de la dorsale médio-Atlantique à l'aplomb du volcan Lucky Strike, situé à l'axe de la dorsale à 37°N, au sud des Açores. Ce volcan sous-marin de grande taille, exploré lors de campagnes précédentes, présente l'un des plus vastes complexes hydrothermaux observés à ce jour sur cette dorsale (1km2). Par ailleurs, la dorsale présente de part et d'autre du volcan toutes les caractéristiques d'une dorsale lente avec une vallée axiale bien marquée par des failles. (Figure 1)

<br />Figure 2 - Bloc diagramme reconstituant la structure profonde de la zone étudiée. En gris, les failles et en orange, la chambre magmatique.<br />&copy; IPGP-CNRS

Figure 2 - Bloc diagramme reconstituant la structure profonde de la zone étudiée. En gris, les failles et en orange, la chambre magmatique.
© IPGP-CNRS

Cette étude, réalisée dans le cadre du chantier MoMAR de l'INSU-CNRS, a permis d'identifier et de délimiter une chambre magmatique longue de 7 km, large de 4 km et située à 3 km sous le volcan, au centre du segment étudié. Des failles atteignant en profondeur la chambre magmatique ont également été observées (Figure 2). Ainsi, les chercheurs pensent que l'eau de mer froide pénètre en profondeur dans la croûte à travers ces failles, puis ressort par les fameux fumeurs noirs (2) après s'être réchauffée et minéralisée au contact ou à proximité de la chambre magmatique. Les campagnes GraviLuck et MoMARETO, qui se déroulent actuellement dans l'Atlantique à bord de L'Atalante et du Pourquoi Pas ? de l'Ifremer, permettent d'installer les premiers instruments d'un observatoire semi-permanent en fond de mer. Cet Observatoire fournira des données continues pendant plusieurs années. On espère de cette manière mieux comprendre les processus impliqués, notamment magmatiques et tectoniques.

Pour en savoir plus :

- Consulter les carnets de bord des 2 campagnes GraviLuck et MoMARETO sur le site de l'Insu : http://www.insu.cnrs.fr/web/article/art.php?art=1888,
et de l'Ifremer : http://www.ifremer.fr/momareto/actualites.htm

- Consulter le dossier de presse INSU-CNRS - Ifremer de juin 2006 GraviLuck et MoMARETO, deux campagnes océanographiques sur la dorsale médio-Atlantique :
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/894.htm

Notes :
1) Chercheurs à l'Institut de Physique du Globe de Paris (CNRS - IPGP)

2) Les fumeurs noirs sont des cheminées minérales édifiées aux sorties de fluides hydrothermaux, dont la température passe brutalement de plusieurs centaines de degrés dans le sol à quelques degrés Celsius dans l'océan. Les minéraux portés par ces fluides précipitent en particules solides qui forment d'épais nuages sombres turbulents. Ces minéraux participent aussi à la construction progressive de la cheminée. Des écosystèmes originaux s'organisent autour de ces structures.

Références :

Singh et . al. Discovery of a magma chamber and faults beneath a Mid-Atlantic hydrothermal field, Nature, September 1, 2006.

Autres résultats récents:
S.C. Singh et al. Seismic reflection images of the Moho underlying melt sills at the East Pacific Rise, Nature, Vol. 442, 287-290, July 20, 2006.

D. Smith, J. Cann, J. Escartin, Widespread active detachment faulting and core complex formation near 13 N on the Mid-Atlantic Ridge, Nature, Vol. 442, 440-443, July 27, 2006.

Contacts :

Chercheurs
Pour la campagne SISMOMAR
Satish Singh, IPGP-CNRS
T 01 44 27 99 67, singh@ipgp.jussieu.fr

Wayne Crawford, IPGP-CNRS
T 01 44 27 28 21, crawford@ipgp.jussieu.fr

Pour le programme MOMAR
Mathilde Cannat, IPGP-CNRS
T 01 44 27 51 92, cannat@ipgp.jussieu.fr

Javier Escartin, IPGP-CNRS.
T 01 44 27 46 01, escartin@ipgp.jussieu.fr

INSU
Christiane Grappin
T 01 44 27 99 67, christiane.grappin@cnrs-dir.fr

Presse
Muriel Ilous
T 01 44 96 43 09, muriel.ilous@cnrs-dir.fr