au sommaire
Jatropha curcas, par le botaniste espagnol Francisco Manuel Blanco. © Licence Commons
On l'appelle aussi or vert. Le jatropha est un arbuste aux feuilles coriaces qui aime à pousser sur des sols très secs. Il en existe environ 160 espèces réparties dans de nombreuses régions du monde, toutes arides ou semi-arides, en Amérique du sud, en Afrique et en Asie. Ses baies rouges sont toxiques, de même que sa sève, et cette plante est d'ailleurs utilisée pour ses vertus médicinales. Les graines, riches en huile (elles en contiennent environ 35%), donnent un produit que l'on peut utiliser comme carburant dans des moteurs à cycle Diesel et dont les caractéristiques sont considérées comme excellentes. La productivité est élevée, de plus de mille litres à l'hectare et par an, soit bien plus que les filières classiques de biocarburants. Costaud, le jatropha vit et produit durant 35 années.
Parce qu'il pousse sur des sols pauvres où les cultures habituelles sont impossibles, cet arbuste n'entre pas en compétition avec les cultures vivrières et son exploitation ne risque pas de conduire à des déforestations massives. Cet or vert ne présente donc pas les désastreux inconvénients des biocarburants classiques tirés de plantes oléifères (produisant de l'huile), comme le colza, le tournesoltournesol ou l'huile de palme, ou de végétaux riches en sucressucres (betterave, canne à sucre, maïsmaïs, blé...) utilisés pour la fabrication d'alcoolsalcools.
Les promoteurs du jatropha le présentent comme un biocarburant de seconde génération, au même titre que la filière de la cellulosecellulose, consistant à utiliser des déchetsdéchets végétaux, ou que l'exploitation d'algues ou de bactéries. De plus, sa culture sur des sols secs y retient l'eau et réduit l'érosion. Ainsi paré de toutes les vertus, le jatropha est désormais cultivé de manière intensive en Asie et parfois promu auprès de petits cultivateurs. Des cultures existent également aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite et même en Europe.
La plante a pourtant ses détracteurs, qui y voient un végétal envahissant et surtout extrêmement dangereux pour l'homme et les animaux. Il suffit en effet de quelques graines pour tuer un être humain. L'Australie Occidentale (un Etat de l'Australie) en a d'ailleurs interdit la culture. Quant au rendement, il n'est élevé que si les terresterres sont suffisamment irriguées. La plante vit effectivement sur des sols secs, ce qui rend sa culture aisée pour des paysans vivant sur de petites exploitations - un autre avantage avancé par les promoteurs du jatropha - mais les rendements sont alors bien plus faibles.
Un 747-400 peut-il voler avec un carburant vert ? © Boeing
Tests en vol
Le destin de cette plante comme producteur d'agrocarburantagrocarburant a bel et bien commencé. Comme tout biodieselbiodiesel, ce carburant convient aussi aux turboréacteursturboréacteurs d'avions, qui brûlent du Jet-A1, aux caractéristiques similaires à celles du gasoil. La compagnie AirAir New Zealand, en collaboration avec Boeing et Rolls-Royce (constructeur de turboréacteurs), participe depuis plusieurs années à l'élaboration d'un biocarburant pour avion, Bio-Jet selon l'expression de Boeing.
L'heure des tests en vol sur un avion de ligne classique est maintenant venue. Le carburant, fourni par Terasol Energy, provient de plantations de Jatropha curcas, l'espèce la plus prometteuse, du Malawi, du Mozambique, de Tanzanie et d'Inde. Air New Zealand, qui insiste sur ses bonnes intentions en matièrematière de développement durabledéveloppement durable, affirme que le critère pour retenir ces sources d'approvisionnement était l'historique des cultures. Les plantations choisies sont des surfaces qui, depuis vingt ans, n'ont jamais été cultivées ni boisées.
Le biodiesel sera mélangé à 50% avec du Jet-A1 et installé dans un réservoir d'un Boeing 747-400 pour alimenter l'un des quatre turboréacteurs Rolls-Royce RB211, un moteur que son constructeur a déjà certifié pour le biodiesel tiré du jatropha. Programmé pour le 3 décembre au départ de Auckland, le vol durera deux heures et le comportement du réacteur sera bien sûr attentivement surveillé.
La compagnie ne précise pas ses projets ultérieurs en matière d'agrocarburant. Remarquons qu'en une année, un hectare de Jatropha curcas fournirait de quoi faire parcourir une soixantaine de kilomètres à un Boeing 747-400...