Certains oiseaux marins, comme le pétrel des Hawaï, passent le plus clair de leur temps au large des côtes. L’analyse de leur comportement alimentaire permet donc de déterminer l’état de santé de l’écosystème marin loin des côtes. L’étude de ces pétrels montre qu’en plein Pacifique, le réseau trophique est complètement modifié par la pêche industrielle intensive.

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    Depuis ces 50 dernières années, la capture de poisson a été multipliée par 4 dans le monde. La pêche industrielle en fournit l'essentiel. D'après Greenpeace, la flotte industrielle ne représente que 1 % de la flotte internationale, mais la moitié de la capacité de pêche mondiale. Sachant que les besoins annuels en poisson par personne sont de 22,3 kgkg et que l'on est 7 milliards dans le monde, il ne faut pas s'attendre à ce que la surpêche se réduise. Pourtant, l'impact sur l'écosystème marin, et donc a fortiori sur l'Homme, est de plus en plus évident.

    Le pétrel des Hawaï, ou 'Uaʻu, est un oiseau marin endémiqueendémique à l'archipel américain. Toutefois, il ne se pose sur les terresterres que pour se reproduire et couver ses œufs. Le reste de son temps, cet oiseauoiseau marin parcourt des milliers de kilomètres en plein océan. Parce qu'il vit la plupart du temps au large, le pétrel Hawaïen est un bon indicateur des changements que subit l'océan. À partir de la composition chimique de ses os, une équipe de recherche américaine a montré que le pétrel avait changé ses habitudes alimentaires. Il se nourrit dorénavant d'animaux situés à un niveau plus bas dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire.

    Anne Wiley, principal auteur de l'étude, jette un coup d'œil au crâne d'un pétrel des Hawaï. © Anne Wiley

    Anne Wiley, principal auteur de l'étude, jette un coup d'œil au crâne d'un pétrel des Hawaï. © Anne Wiley

    Pêche industrielle et modification du régime alimentaire des pétrels des Hawaï coïncident. L'étude, dont les résultats sont publiés dans les Pnas, révèle une corrélation directe entre la surpêche et les modifications de la chaîne trophique. En effet, le régime alimentaire des oiseaux est perceptible dans la chimiechimie de leurs os. En étudiant le rapport isotopique entre l'azoteazote 15 et l'azote 14, les scientifiques sont en mesure de déterminer à quel niveau de la chaîne trophique les pétrels se nourrissent. En fait, plus le rapport entre les deux éléments est élevé, plus les proies consommées sont grandes.

    Quel avenir pour les pétrels des Hawaï ?

    L'équipe, pilotée par la chercheuse Anne Wiley, a récolté quelque 17.000 ossements de pétrels des Hawaï, couvrant ainsi 4.000 ans d'histoire de vie de l'oiseau marin. Il y a encore cent ans, les rapports isotopiques étaient grands, et suggéraient donc que l'oiseau se nourrissait de proies d'un rang plutôt élevé dans la chaîne alimentaire. Or, depuis un siècle, et en particulier depuis 1950, le rapport chute drastiquement. Les pétrels se nourrissent donc de poissons plus petits. « Nos résultats sont alarmants car ils suggèrent que la chaîne alimentaire dans l'océan large est modifiée sur une grande échelle, et ce, à cause de l'Homme », commente Peggy Ostrom, l'une des coauteurs.

    Plus grave encore, l'étude est l'une des premières à répondre à la question qui anime beaucoup d'océanographes : la pêche a-t-elle aussi une influence sur les espècesespèces non ciblées, et donc sur l'ensemble des réseaux trophiques dans l'océan ouvert ? Si des recherches supplémentaires sont nécessaires, les scientifiques s'interrogent tout de même sérieusement sur le sort des pétrels. Ils se demandent ce qu'il en est pour d'autres animaux qui, comme ces oiseaux, dépendent de la santé de l’océan large.