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Le canard ou comme ici, l’oie, seront-ils bientôt de sérieux concurrents pour Total ? © JanetandPhil, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
Partout dans le monde, les scientifiques des laboratoires les plus modernes cherchent à utiliser des bactéries, des algues ou même des champignons pour produire du carburant. En France, d'autres chercheurs peut-être un peu moins spécialistes mais très motivés, se sont également penchés sur la question. Leur solution ingénieuse offre une réponse commune à deux problèmes environnementaux.
Jules Charmoy et Benoît Delage, agriculteurs près de Périgueux, ont la fibre écoresponsable. Préoccupés par la réduction des émissionsémissions de gaz à effet de serre, ils tentent depuis 2009 de développer le raffinageraffinage d'un « hydrocarburehydrocarbure » local : la graisse de canard ! Le gisement est en réalité plus diversifié que les seuls lipideslipides issus des palmipèdes. La graisse de porc et les huiles de friture sont aussi récoltées auprès des restaurateurs et ceux-ci sont généralement bien contents d'être débarrassés à moindre coût de ces déchets odorants et polluants.
Un million de litres à produire en Dordogne
Ce sont ainsi près de 1.500 tonnes de déchets gras qui pourraient être valorisés chaque année dans le département, de quoi produire environ un million de litres de biodiesel. Pour réaliser la transformation, Jules Charmoy a sa recette : « dans un estérificateur, on chauffe la graisse à 120° pour éliminer l'eau. On réduit ensuite à 65°, on met de l'alcoolalcool et de l'hydroxyde de potassiumpotassium. On agite pendant une heure, on laisse décanter : au fond, la glycérineglycérine se forme avec, au-dessus, le biodiesel ».
Les compères, qui ont d'abord commencé par une expérimentation, ont obtenu il y a quelques mois l'autorisation des douanes pour poursuivre leur projet. En 2010, ils ont tout de même produit 20.000 litres et les engins de la coopérative d'utilisation de matériel agricole (Cuma) dont ils sont membres roulent en partie avec leur biodiesel.
Contrairement aux agrocarburants de première génération, la valorisation des déchets gras ne concurrence pas les cultures destinées à l'alimentation humaine. © David Reverchon, Flickr, CC by-nc-sa 2.0
En partie seulement, car même avec l'accord des douanes, le mélange final dans le réservoir ne doit pas dépasser 30 % de carburant « maison » pour 70 % provenant d'un produit pétrolier classique. Soutenus par l'IUT génie chimique de Périgueux, l'Institut européen de la surveillance prédictive des machines (IESPM) de Lyon et le syndicat des déchets de la Dordogne, ces agriculteurs veulent maintenant améliorer leur dispositif. Il s'agit de produire un biodiesel plus pur, qui puisse sans problème être accepté par tous les moteurs, même les plus récents.
L'intérêt n'est à l'évidence pas d'ordre économique quand le coût de production atteint 1,11 euro le litre contre 0,92 centime pour le gasoil agricole. Pour eux, l'important est de montrer qu'il est possible de transformer certains déchets en ressources locales et de produire un agrocarburantagrocarburant qui ne cause pas de nouveaux problèmes écologiques. L'initiative est soutenue par l'association charentaise Roule ma frite (RMF) 17. Celle-ci fait d'ailleurs remarquer que rouler à l'huile de friture ne devrait plus être interdit en France depuis qu'une loi européenne de 2003 autorise l'emploi d'agrocarburants.