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En effectuant l'inventaire de plus de 17 000 arbres sur plusieurs petites parcelles forestières, les unes soumises à différents niveaux d'exploitation, les autres à l'état naturel, les chercheurs ont mesuré l'effet de perturbations d'intensité différente sur la diversité des espèces dans le recrû forestier. Lorsque la perturbation est de grande ampleur (exploitation forestière intense), il est apparu que ce sont surtout des espèces pionnières qui s'établissent ; si celle-ci est minime (chutes de branches, chablis peu étendus et peu fréquents), le peuplement est dominé par des espèces sciaphiles.
Lorsque la perturbation atteint un niveau intermédiaire (chablis plus fréquents ou plus étendus, exploitation forestière limitée) entre ces deux extrêmes, la diversité est maximale du fait de la création d'une plus grande variété de niches écologiques, les unes favorables aux héliophileshéliophiles, les autres aux sciaphiles.
Ces résultats remettent partiellement en question ceux obtenus en 1999 par une équipe américaine au Panama (2) lors de la seule autre tentative faite à ce jour pour vérifier l'hypothèse de la perturbation intermédiaire à la même échelle d'observation.
Ces chercheurs, à travers l'étude d'une parcelle de 50 ha de forêt naturelle, concluaient à l'absence d'effets du niveau des perturbations sur la diversité spécifique des arbres. Pour expliquer le maintien d'une forte diversité, ils proposaient une autre hypothèse, celle de la " limitation du recrutement ". Selon cette théorie, la présence d'une espèce en un lieu donné est due principalement à la conjonctionconjonction de circonstances relevant pour l'essentiel du hasard : pour qu'une graine ait germé en un lieu donné, il faut tout d'abord qu'un " semencier " de la même espèce ait été présent à proximité ; il faut ensuite que la graine ait été disséminée jusque-là, ait trouvé de bonnes conditions pour germer, et que la plantule puis le jeune arbre aient survécu aux nombreux accidentsaccidents qui affectent les jeunes individus, tels que sécheresses temporaires, chutes de branches ou d'arbres, piétinement, attaques de prédateurs ou maladies, etc.
Ces pertes massives et aléatoires au sein des jeunes peuplements auraient pour résultat de gommer en grande partie l'" effet de niche ", c'est-à-dire le lien entre une espèce donnée et des conditions de milieu particulières, sur lequel repose l'hypothèse de perturbation intermédiaire.
L'étude menée par les chercheurs de l'IRDIRD, sans pour autant rejeter l'effet du hasard, qui joue certainement lui aussi un rôle important, confirme pour la première fois dans un massif forestier tropical humide le rôle des perturbations d'intensité moyenne dans le maintien d'un niveau élevé de diversité. De plus, elle souligne l'importance du groupe des héliophiles pour l'étude des couverts forestiers tropicaux. La présence d'un arbre de ce type signifie qu'il y a eu une trouée dans un passé plus ou moins récent alors même qu'aucune autre trace du chablis ne subsiste. La proportion d'arbres héliophiles dans un peuplement forestier peut donc être prise comme un indicateur du régime de perturbations passées. Ce, d'autant que les espèces les plus héliophiles, qui ont fait l'objet de nombreuses études, sont relativement aisées à identifier.
Si l'hypothèse de la perturbation intermédiaire reste aujourd'hui à démontrer à une échelle plus large que celle jusqu'à présent étudiée, notamment dans le cas de l'exploitation forestière en grandeur réelle, les résultats de l'étude des chercheurs de l'IRD permettent d'ores et déjà de mieux comprendre la dynamique de la biodiversitébiodiversité dans la forêt tropicaleforêt tropicale.