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Le vêlage, la libération d'icebergs au débouché des glaciers dans la mer comme ici au Groenland dans le Fjord Jakobshavn, est normal. Mais durant les événements d'Heinrich, le phénomène s'emballe. © Photo courtesy of Oregon State University
Au cours de la dernière période glaciaire, des changements climatiqueschangements climatiques étonnamment brutaux se sont produits. Appelés événements de Heinrich (HE) du nom du géologuegéologue qui les a le premier identifiés, ils se caractérisent par la déstabilisation des calottes glaciairescalottes glaciaires entraînant un relargagerelargage très important d'eau douce et d'icebergs dans l'Atlantique Nord.
Comme ils se déclenchent rapidement et ne durent qu'environ 750 ans, il est difficile d'avoir des donnés géologiques et géochimiques précises permettant de les corréler à d'autres phénomènes en tant que cause ou conséquence. En particulier ils sont synchronessynchrones avec un fort ralentissement de la circulation thermohaline sans que les chercheurs puissent définir avec certitude lequel a déclenché l'autre. De nombreuses explications ont été proposées mais demandent encore des confrontations à des données de terrain et des simulations dans des modèles.
Les paléothermomètres
L'étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Science le 1er août apporte des précisions sur le déclenchement de ces phénomènes. L'équipe rassemblée autour l'auteur Shaun Marcott a travaillé avec deux outils. D'abord, ils ont accumulé des données de terrain en analysant les coquilles (ou tests) de petits organismes marins, les foraminifères. La proportion de magnésiummagnésium et de calciumcalcium que l'on y mesure dépend de la température de l'eau dans laquelle ces protozoairesprotozoaires ont vécu, ce qui en fait de bons paléothermomètres. Ici, ils ont choisi des espèces vivant sur le fond (benthiquesbenthiques) à des profondeurs assez faibles. Cela leur a permis de suivre l'évolution des températures des eaux intermédiaires au nord-est du Canada, à la sortie du détroit d'Hudson, au cours des HE.
Une vue satellite de l'est de la péninsule antarctique le 5 mars 2002 montre la rupture d'une partie de la barrière de Larsen. Ce ne sont pas des morceaux de banquise mais bien d'immenses icebergs tabulaires de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur que l'on voit se détacher. © 350.org, Flickr, CC by-nc-sa 3.0
Deux degrés de plus, c'est une fonte six fois plus rapide
Ils ont également utilisé les données issues d'une simulation sur un modèle climatiquemodèle climatique. Leurs résultats semblent montrer qu'un fort ralentissement de la circulation thermohaline est associé à un réchauffement des eaux intermédiaires d'environ 2 degrés sur les 1.000 à 2.000 ans précédant les HE. Un autre modèle couplant océan et glace leur a ensuite servi de cadre d'étude : ils ont pu simuler la réponse des plateformes côtières de glace aux variations de températures estimées précédemment.
Au final, il apparaît que ce faible réchauffement des eaux intermédiaires, s'il touche la zone à la base de la glace, suffit à multiplier par six la vitessevitesse de fontefonte sur la façade de la plateforme. Et d'après Shaun Marcott, la glace en amont serait assez déstabilisée pour qu'un événement d’Heinrich se déclenche.
Sans se placer dans le même contexte climatique que lors de ces événements, cette étude pointe la sensibilité des grandes barrières de glace bordant les côtes près des pôles à de légers changements de températures. La calotte glaciaire laurentide qui recouvrait le Canada lors de la dernière glaciation a disparu mais il reste le Groenland et surtout l'AntarctiqueAntarctique. Outre le réchauffement global, un simple changement de direction des courants marins, apportant soudainement plus de chaleurchaleur sur les côtes du continent blanc pourrait, d'après les chercheurs, avoir un effet déstabilisateur. En particulier au niveau des plateformes côtières de glace de l'inlandsis ouest antarctique, qui, s'il fondait entièrement, entraînerait une hausse du niveau des océans de près de 4 mètres.