Deux siècles d’industrie en Amérique du nord ont chargé les glaces arctiques de poussière de charbon, réduisant leur pouvoir réfléchissant et accélérant la fonte. L’effet vient d’être mesuré avec précision…

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Les observations par satellite semblent indiquer que la fonte des glaces de la calotte arctique et du Groenland est plus rapide que prévue. © Nasa

Les observations par satellite semblent indiquer que la fonte des glaces de la calotte arctique et du Groenland est plus rapide que prévue. © Nasa

Pourquoi le réchauffement est-il si rapide dans la région arctique ? Une équipe américaine pense avoir découvert un élément de réponse dans la glace elle-même: la suie, qui augmente l'absorption de la chaleur solaire. Sur des carottes prélevées au Groenland, sa teneur a pu être mesurée sur plus de deux siècles avec une précision inégalée, venant confirmer de précédents résultats.

« La concentration a varié significativement entre 1788 et 2002, explique Joe McConnell, l'un des auteurs de l'étude. Elle a particulièrement augmenté durant la révolution industrielle en Amérique du nord, à partir de 1850. » Les quantités déposées dans la glace suivent aussi un rythme saisonnier, avec un pic en hiver. Dans ce cas, il s'agit du carbone provenant des feux de forêt survenant l'été.

Les apports de ces deux sources ont pu être déterminés par la mesure de l'acide vanillique (signature des feux de forêt) et du soufre (produit par l'utilisation de combustibles fossiles). « Il est clair que l'essentiel de l'augmentation de concentration en suie à la fin du 19ème siècle et au début du vingtième provient des émissions de l'industrie, probablement de la combustion du charbon » analyse Joe McConnell. Le pic d'émission semble être intervenu entre 1906 et 1910, période pendant laquelle le dépôt de suie a été huit fois supérieur à ce qu'il était avant l'ère industrielle.

Quand la glace chauffe

A l'aide de modèles climatiques, les chercheurs ont pu déterminer l'origine géographique de ce carbone déposé en Arctique et au Groenland : il est venu des Etats-Unis et du Canada. Toujours selon ces modèles, cette pollution à la suie a été deux fois plus importante sur les glaces arctiques que sur le Groenland.

Cette charge en carbone a une fâcheuse conséquence : le pouvoir réfléchissant de la glace (ce que l'on appelle l'albédo) se trouve sensiblement diminué, ce qui augmente l'absorption de l'énergie solaire. La couverture glacée se réchauffe donc plus vite et la fonte intervient plus facilement.

Dans l'article qu'ils viennent de publier dans le magazine Science, les auteurs ne quantifient pas ce phénomène mais en font un élément clé du réchauffement observé au-delà du cercle polaire arctique.

« Pour expliquer pourquoi le climat de l'Arctique change aussi rapidement, nous devons comprendre comment et pourquoi il a évolué avant et après l'influence des activités humaines sur le climat, résume Ross Edwards, co-auteur de l'article. Pour cela, nous devons connaître les variations saisonnières des dépôts de suie et son effet sur l'albédo de la glace au cours des siècles passés. Nos résultats permettent d'intégrer ce paramètre dans les modèles climatiques. »