Des globules rouges vieux de 5.300 ans viennent d’être découverts intacts dans la momie d’Ötzi, l’Homme des glaces retrouvé exceptionnellement bien conservé en 1991. Si l’analyse des cellules sanguines permet d’apporter de nouvelles précisions sur les causes de sa mort, elle pourrait contribuer à améliorer les connaissances en criminologie.

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    Les globules rouges sont les cellules du sang chargées de transporter l'oxygène des poumons jusqu'aux tissus, et de récupérer le dioxyde de carbone pour qu'il soit excrété par l'organisme par expiration, les deux molécules ayant de l'affinité pour l'hémoglobine. Ötzi l'Homme de glace ne souffrait apparemment d'aucune maladie du sang, et serait mort très vite après sa blessure à l'épaule. © Maurizio de Angelis, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Les globules rouges sont les cellules du sang chargées de transporter l'oxygène des poumons jusqu'aux tissus, et de récupérer le dioxyde de carbone pour qu'il soit excrété par l'organisme par expiration, les deux molécules ayant de l'affinité pour l'hémoglobine. Ötzi l'Homme de glace ne souffrait apparemment d'aucune maladie du sang, et serait mort très vite après sa blessure à l'épaule. © Maurizio de Angelis, Wellcome Images, cc by nc nd 2.0

    Le mystère plane toujours autour d'Ötzi. L'Homme de glace, retrouvé momifié en 1991 à 3.210 mètres d'altitude, dans les Alpes de l'Ötzal, à la frontière italo-autrichienne, révèle petit à petit certains de ses secrets. Ce petit homme, 5.300 ans après sa mort, fait beaucoup parler de lui et de nombreuses informations, plus ou moins vraies, ont circulé à son sujet. Ce que l'on sait, c'est qu'il avait aux alentours de 45 ans, mesurait 1,59 m pour une quarantaine de kilogrammeskilogrammes, venait de manger du bouquetinbouquetin, du cerf et des céréalescéréales, présentait des caries et devait être intolérant au lactose d'après une analyse ADN.

    Quant à la cause de sa mort, on évoque depuis plusieurs années maintenant un assassinat, du fait d'un embout de flèche retrouvé dans son dosdos, au niveau de l'épaule gauche. Pendant longtemps, on a cru que son sang s'était désintégré par autolyse, jusqu'à ce qu'on en découvre finalement quelques résidus. Des traces d'hémoglobine ont également été détectées, mais aucun élément ne laissait présager la présence de globules rouges intacts.

    La momie d'Ötzi est conservée à Bolzano, en Italie. Les autres musées, comme ici à Quinson (France) doivent donc se contenter de proposer des reconstitutions de l'Homme des glaces. © 120, Wikipédia, cc by sa 3.0

    La momie d'Ötzi est conservée à Bolzano, en Italie. Les autres musées, comme ici à Quinson (France) doivent donc se contenter de proposer des reconstitutions de l'Homme des glaces. © 120, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Des globules rouges conservés 5.300 ans après

    Pourtant, Albert Zink et son équipe de l'Institut pour les momies et l’Homme de glace viennent de découvrir « trois corpuscules » en forme de « disque concaveconcave » typique des globules rouges. Les analyses plus précises ont même confirmé la présence de marqueurs de ces cellules sanguines, faisant d'elles les plus anciennes du genre jamais retrouvées. Leurs résultats sont publiés dans la revue Interface, un journal de la Royal Society.

    Les chercheurs ont dans un premier temps prélevé les tissus situés autour de la blessure occasionnée par la flèche et au niveau d'une cicatrice retrouvée au sur la main. Au microscopemicroscope, ils ont observé des cellules ressemblant fortement aux globules rouges. Des outils technologiques plus performants ont alors été employés pour améliorer le diagnosticdiagnostic.

    La microscopie à force atomique, qui, un peu à l'instar d'une tête de lecture d'un tourne-disque, balaie l'échantillon et révèle la structure tridimensionnelle d'éléments microscopiques, a confirmé leur intuition, laissant apparaître des disques concaves caractéristiques. À l'aide cette fois de la spectroscopie Ramanspectroscopie Raman, qui révèle la composition d'un échantillon à l'aide de faisceaux lumineux, des marqueurs caractéristiques des globules rouges, principalement l'hémoglobine, ont été mis en évidence. Les résultats ressemblent à s'y méprendre à ceux obtenus par les mêmes procédés avec des échantillons sanguins actuels.

    Ces cellules, vues par microscopie à force atomique, ont la forme caractéristique des globules rouges. Sur les trois cellules qu'ils ont pu observer, l'une d'elles venait de la cicatrice au poignet, les deux autres ont été récupérées dans la blessure par flèche. © A. Zink <em>et al., Interface</em>

    Ces cellules, vues par microscopie à force atomique, ont la forme caractéristique des globules rouges. Sur les trois cellules qu'ils ont pu observer, l'une d'elles venait de la cicatrice au poignet, les deux autres ont été récupérées dans la blessure par flèche. © A. Zink et al., Interface

    La fibrine comme indicateur de la cause de la mort d’Ötzi ?

    Lors de l'analyse, les scientifiques ont remarqué également la présence de fibrinefibrine dans les tissus environnant l'embout de flèche. C'est une protéineprotéine impliquée dans la coagulationcoagulation sanguine, puisqu'elle en est la moléculemolécule terminale. Elle apparaît dans un organisme quelques minutes après la lésion d'un vaisseau, mais est complètement dégradée en une douzaine de jours. Ötzi n'a pas eu le temps de cicatriser avant de mourir, mais il est encore difficile d'établir le délai précis entre la pénétration de la flèche dans son épaule gauche et le moment où il est décédé.

    Ces découvertes pourraient également avoir quelques retentissements en criminologie, car, comme Albert Zink l'explique, les technologies actuelles ne permettent pas de différencier clairement un sang plus ancien d'un sang récent. Et dans le genre ancien, on ne fait pas mieux...