On s'y était habitué : les étoiles à neutrons ont en général une masse de l’ordre de celle de Chandrasekhar, soit 1,44 fois celle du Soleil. Mais d’après les radioastronomes utilisant le radiotélescope d’Arecibo, elles peuvent être plus lourdes. Un candidat pesant 2,7 masses solaires a même été découvert. Les probabilités de formation des trous noirs en sont changées...
Le radiotélescope d'Arecibo. © University of texas austin

Le radiotélescope d'Arecibo. © University of texas austin

Les étoiles à neutrons sont des objets fascinants dont l'existence a été prédite en 1933 par Zwicky et Baade et dont la première description théorique détaillée a été donnée en 1939 par Oppenheimer et Volkkoff. Point final de l'évolution de certaines étoiles, un tel astre présente un diamètre de quelques dizaines de kilomètres tout au plus et ressemble à un gigantesque noyau d'atome.

Tout est extrême dans ces objets, à commencer par la densité, le champ de gravitation et le champ magnétique. Presque toute la physique est nécessaire pour comprendre les propriétés d'une étoile à neutrons, la relativité générale bien sûr mais aussi la magnétohydrodynamique, la théorie de la superfluidité et celle de la supraconductivité.

Ce sont aussi de formidables laboratoires de physique nucléaire et de physique des particules élémentaires. En effet, les conditions de pressions et de températures qui règnent en leur centre sont telles que l'on pense que la formation d'un plasma de quarks et de gluons libres y est sans  doute possible, et peut-être même l'apparition de ce qu'on appelle la matière étrange. En tous cas, les propriétés des étoiles à neutrons, à commencer par leur masse, posent des contraintes sur l'équation d'état de la matière nucléaire. Cette équation est l'analogue de celle bien connue de Van der Walls pour un gaz réel sauf qu'ici ce sont les nucléons échangeant des mésons qui sont considérés, au lieu des atomes et des molécules d'un gaz.

Schéma de la structure possible de l'intérieur d'une étoile à neutrons. © Coleman Miller.

Schéma de la structure possible de l'intérieur d'une étoile à neutrons. © Coleman Miller.

Il a fallu attendre la découverte des pulsars en 1967 par Jocelyn Bell et leur interprétation en tant qu'étoiles à neutrons en 1971 par Giacconi pour que ces objets soient acceptés par la communauté des astrophysiciens. On connaît maintenant beaucoup de pulsars et l'un d'entre eux, membre d'un système binaire, est célèbre. Il s'agit de PSR B1913+16, découvert grâce au radiotélescope d'Arecibo qui a permis à Hulse et Taylor, à partir de 1974, d'accumuler suffisamment de données pour démontrer l'existence des ondes gravitationnelles.

Une étoile à neutrons presque à la limite de la masse possible ?

C'est toujours avec l'aide du radiotélescope d'Arecibo que Paulo Freire  et ses collègues ont fait récemment la découverte de pulsars dont la masse dépasse probablement 1,7 masse solaire et atteindrait même 2,7 pour l'un d'entre eux. C'est une surprise, car si la masse maximale d'une étoile à neutrons est de l'ordre de 2 à 3 masses solaires environ, la plupart des étoiles à neutrons découvertes jusqu'à présent ont une masse très proche de celle de Chandrasekhar, c'est-à-dire 1,44 masse solaire.

Cela a plusieurs conséquences importantes. D'abord, l'une des formes possibles de l'équation d'état de la matière nucléaire, la forme dite douce, semble désormais presque exclue. Enfin, si des étoiles à neutrons peuvent exister sur un plus large intervalle de valeur de masse que ne le laissaient supposer les observations, alors il doit en exister un peu plus qu'on ne le pense. Mais on doit alors s'attendre à trouver un peu moins de trous noirs d'origine stellaire.