La théorie du Big Bang prédit que le rayonnement fossile se serait refroidi au cours du temps, selon une loi bien précise. De nouvelles observations, faites avec des radiotélescopes, ont permis de tester cette loi avec une précision inégalée. Il y a 7,2 milliards d’années environ, le rayonnement fossile avait bien une température de l’ordre de 5,1 K, alors qu’elle vaut 2,73 K aujourd’hui.

On ignore la composition des particules de matière noire, indispensables au modèle cosmologique standard. On pourrait en faire l'économie dans le cadre d'une théorie relativiste de la gravitation intégrant la théorie Mond. On ignore également la nature de l'énergie noire, accélérant l'expansion de l'univers. Malgré ces zones d'ombre, il ne semble guère rationnel de douter de la théorie du Big Bang.

Cela ne signifie pas que les cosmologistes sont incapables d'envisager une refonte radicale de la cosmologie, ou de changer d'avis à son sujet, au vu de faits avérés. Lorsqu'il a semblé que des neutrinos pouvaient voyager plus vite que la lumière, la majorité des théoriciens ont rejeté vigoureusement cette possibilité. Ils se sont tout de même penchés sur la question et ont envisagé d'autres théories, plus ou moins révolutionnaires, pour affirmer ou infirmer cette hypothèse. L'expérience devait donner raison aux sceptiques.


Le site « Du Big Bang au vivant » est un projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine. Hubert Reeves, Jean-Pierre Luminet et d'autres chercheurs y répondent à des questions, à l'aide de vidéos. © Groupe ECP, www.dubigbangauvivant.com, YouTube

Il en est de même ici avec la théorie du Big Bang. Un article récemment publié sur arxiv contribue à enterrer les théories proposées en alternative au paradigme actuel de la cosmologie, dont les bases ont été posées par Gamow, Alpher et Lemaître.

Le rayonnement fossile, un pilier de la théorie du Big Bang

Il y a trois piliers fondamentaux de la théorie du Big Bang. La théorie de la relativité générale, qui prévoit l'expansion de l'univers et les lois du décalage spectral vers le rouge associé (redshift) ; la théorie de la nucléosynthèse, qui prévoit les abondances d'hydrogène et d'hélium dans l'univers observable ; enfin, le rayonnement fossile avec son spectre de corps noir et ses anisotropies riches en renseignements sur la structure et le contenu du cosmos.

L'une des prédictions du modèle du Big Bang, en rapport avec le rayonnement fossile, est celle d'une baisse progressive de sa température en fonction de l'âge de l'univers. La mesure de ces températures à diverses époques implique l'observation de phénomènes astrophysiques à différentes distances dans l'univers observable. Cela est dû au temps nécessaire pour que nous parviennent les informations contenues dans la lumière émise par ces phénomènes.

En théorie, si l'on dispose des thermomètres sensibles à la température du rayonnement fossile à ces diverses époques de l'univers, il est possible de vérifier une loi précise de décroissance de la température de ce rayonnement au cours du temps.


Sur le site « Du Big Bang au Vivant », on peut trouver des renseignements sur le rayonnement fossile, comme cette vidéo extraite d'un documentaire disponible en DVD. © Groupe ECP, YouTube

Des thermomètres moléculaires pour la cosmologie

Ces thermomètres existent. On a par exemple utilisé la molécule de monoxyde de carbone pour prendre la température de l'univers, voilà 11 milliards d'années. Le principe des mesures est simple à comprendre. Les molécules possèdent, comme les atomes, des niveaux d'énergie, comme ceux associés à des mouvements de rotation et de vibration. Pour certaines molécules plongées dans le rayonnement fossile, des transitions entre des niveaux d'énergie sont sensibles à la température de ce rayonnement.

Dans l'article publié par une équipe internationale de chercheurs, dont deux astronomes de l'observatoire de Paris-Meudon, ce sont des raies de rotation de molécules, notamment HCO+ et HCN, qui ont été utilisées. Ces molécules se trouvent dans un milieu très dilué, associé à une galaxie produisant un effet de lentille gravitationnelle avec les ondes radio émises par le quasar PKS 1830-211. En utilisant l'interféromètre Atca (Australia Telescope Compact Array) du CSIRO (un réseau de six radiotélescopes de 22 mètres de diamètre, dans l'est de l'Australie), il a été possible de mesurer des raies d'absorption de ces molécules dans le domaine radio.

<br/>Les ondes radio (lignes jaunes) provenant d'un quasar lointain passent à travers une galaxie où elles sont absorbées par des molécules dans un nuage de gaz froid. Les astronomes ont utilisé des radiotélescopes pour mesurer la température de l'univers il y a 7,2 milliards d'années, en détectant les signatures des molécules absorbant les ondes radio. © <em>Onsala Space Observatory</em>, R. Cumming, S. Muller, observatoire de Paris-Meudon


Les ondes radio (lignes jaunes) provenant d'un quasar lointain passent à travers une galaxie où elles sont absorbées par des molécules dans un nuage de gaz froid. Les astronomes ont utilisé des radiotélescopes pour mesurer la température de l'univers il y a 7,2 milliards d'années, en détectant les signatures des molécules absorbant les ondes radio. © Onsala Space Observatory, R. Cumming, S. Muller, observatoire de Paris-Meudon

Une température qui augmente linéairement avec le redshift

À cause du caractère raréfié du gaz où se trouvent ces molécules, elles sont essentiellement chauffées par le rayonnement fossile. En modélisant le comportement de ce gaz sur ordinateur, il devient possible d'en extraire avec précision la température du rayonnement fossile. On savait qu'elle devait augmenter linéairement avec le décalage spectral. On avait déjà pu le vérifier avec les observations des raies d'absorption de molécules de monoxyde de carbone, il y a 11 milliards d'années. On avait également pu étudier ce phénomène grâce à l'effet Sunyaev-Zel’dovich, associé à des amas de galaxies situés à des distances inférieures à celle de la galaxie responsable de l'effet de lentille gravitationnelle sur PKS 1830-211.

Après calcul, les astrophysiciens ont trouvé que voilà environ 7,2 milliards d'années, la température du rayonnement fossile était de 5,08 ± 0,10 K. C'est la mesure de température la plus précise à ce jour. On constate aussi que cela correspond remarquablement à la prédiction de la théorie du Big Bang, comme on peut le voir sur le graphique 5 de la page 6 de la publication.