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Il est, bien sûr, extrêmement fréquent que deux entités complexes interagissent et les êtres vivants ne font, bien évidemment, pas exception à cette règle. Par exemple, les végétaux effectuent entre eux, dans le sol, une « guerre chimique » en sécrétant des molécules, toxiques pour les végétaux environnants, qui empêchent leur germination ou réduisent leur croissance.
De même, de nombreux animaux sécrètent des substances répulsives pour éloigner les prédateurs. Même si de tels procédés de défense peuvent, à certains égards, être considérés comme les ancêtres des communications, on ne peut, dans ce cas général, parler de communication vraie ou plus encore, de langage.
La communication : l'art de transmettre un message
La communication vraie émerge lorsqu'un signal spécifique passe d'un émetteur à un récepteur. Spécifique, cela veut dire que le signal est spécifique à la fois du système émetteur et du système récepteur (Marler et Hamilton, 1968). Une telle définition est très générale et ne se préoccupe donc pas de savoir si la communication est émise consciemment par l'émetteur et/ou « comprise » par le récepteur. Ainsi l'on peut considérer que, lorsqu'un groupe d'animaux est attiré par un son particulier, par une couleur, par une odeur (ceci dans le cadre d'une fonction biologique précise, comme la pollinisation ou la reproduction), il y a communication. Bien entendu, la communication devient plus complexe, et plus proche de la conception populaire que nous en avons, lorsqu'une certaine conscience l'accompagne. Le signal plus complexe devient alors un « message » comportant un code (c'est-à-dire les éléments qui composent le message, et, éventuellement, les règles de leur utilisation), capable d'être « compris » par l'émetteur et par le récepteur.
On mesure bien qu'il n'est pas toujours facile de distinguer, chez l'Homme (et sans doute chez quelques animaux particulièrement intelligents), cette communication complexe de la communication plus simple d'un signal, puisqu'on ne maîtrise pas la notion même de conscience dans les différents groupes animaux. Comme tous les autres phénomènes biologiques, la conscience émerge évidemment par paliers. Des philosophes comme Joëlle Proust (Proust, 2003), ont proposé deux grands paliers : la conscience d'accès, qui donnerait à l'animal une certaine conscience de l'environnement où il se meut (et qui existerait chez un grand nombre d'animaux « évolués ») et la conscience phénoménale, ou conscience d'être soi-même, d'avoir une représentation de soi-même. Cette conscience phénoménale serait beaucoup plus rare (et n'existerait que chez l'Homme et peut-être chez quelques animaux particulièrement intelligents). Il est clair que les communications complexes des oiseaux et des mammifèresmammifères (notamment les chantschants très complexes de certains oiseaux) supposent une conscience d'accès. Mais les communications, si complexes soient-elles, ne sont pas nécessairement des langages.
Une différence entre communication et langage
Le langage peut être vu comme une forme particulière de communication au moment où l'animal émet son message. Esquissons-en une définition générale. La communication « classique » (non langagière) réfère à des éléments toujours présents dans l'environnement au moment où l'animal émet son message (ou son signal).
Ainsi les signaux qui peuvent se transcrire comme « attention prédateur », « ici est mon territoire », « j'ai mal », « j'ai peur », « je recherche un(e) partenaire sexuel(le) »... sont des communications strictes, pas des éléments du langage. Pour qu'il y ait langage, il faut qu'il y ait référence à des éléments de l'environnement non directement présents au moment où l'animal émet son message (ou son signal). Pour qu'il y ait langage, il faut que le « locuteur » (l'émetteur) effectue un « rapport de faits » sur des éléments de l'environnement qu'il a perçus dans un passé, récent ou non, et qui ne sont plus nécessairement perceptibles par le récepteur actuel du message.