Des massifs de péridotites sont présents dans de nombreuses chaînes de montagnes. L'étude de leur composition et de leur place dans l'orogenèse (mécanismes de formation des chaînes) permet de mieux comprendre les mouvements lithosphériques (extension et compression) ayant amené ces roches du manteau supérieur jusqu'à la surface.

Chaînes de montagnes. © TesaPhotography, CCO
Chaînes de montagnes. © TesaPhotography, CCO

Recensés depuis le XVIIIe siècle et désignés comme « alpinotypes », les massifs de péridotites sont connus dans de nombreuses chaînes de montagnes. En 1957, sur la base de leur composition minéralogique (olivine, pyroxènes, spinelle ou grenat), Willem de Roever a considéré ces massifs de péridotites comme issus du manteau supérieur.

La carte ci-dessus présente la répartition des principaux massifs de péridotites (en vert) dans les chaînes alpines et le long de la marge de Galice. Ces massifs constituent des alignements le long d’accidents majeurs : ligne insubrienne et zone nord-pyrénéenne par exemple. © DR
La carte ci-dessus présente la répartition des principaux massifs de péridotites (en vert) dans les chaînes alpines et le long de la marge de Galice. Ces massifs constituent des alignements le long d’accidents majeurs : ligne insubrienne et zone nord-pyrénéenne par exemple. © DR
 Le massif de Lherz, en Ariège, se situe au sein des calcaires de la zone nord-pyrénéenne. © Photo Jacques Kornprobst
 Le massif de Lherz, en Ariège, se situe au sein des calcaires de la zone nord-pyrénéenne. © Photo Jacques Kornprobst

Structures et déformations des massifs de péridotites

Les massifs ne sont pas homogènes et montrent de minces niveaux de pyroxénites, souvent à grenat, insérés dans les péridotites. Ces dernières sont généralement à spinelle, plus rarement à grenat. Cette association rappelle celle observée dans les enclaves des basaltes (péridotites) et des kimberlites (éclogites).

  <br>Sur ces photos, on remarque l’alternance de pyroxénites à grenat et de péridotites à spinelle dans le massif des Beni Bousera (Rif, Maroc). © Jacques Kornprobst
  
Sur ces photos, on remarque l’alternance de pyroxénites à grenat et de péridotites à spinelle dans le massif des Beni Bousera (Rif, Maroc). © Jacques Kornprobst

Des plis isoclinaux et des foliations montrent que des déformations intenses de haute température (900 à 1.100 °C) ont affecté ces unités, avant leur insertion dans les chaînes, par conséquent au sein du manteau supérieur.

Un pli isoclinal affectant une pyroxénite dans le massif des Beni Bousera. ©  Jacques Kornprobst
Un pli isoclinal affectant une pyroxénite dans le massif des Beni Bousera. ©  Jacques Kornprobst
Ci-dessus, une foliation de haute température dans une péridotite des Beni Bousera, observée en lumière polarisée analysée ; lame d’environ 2 cm de longueur. © Jacques Kornprobst
Ci-dessus, une foliation de haute température dans une péridotite des Beni Bousera, observée en lumière polarisée analysée ; lame d’environ 2 cm de longueur. © Jacques Kornprobst

Orogenèse et recristallisation des massifs

Les déformations des massifs sont associées à des recristallisations, dans des conditions de température allant de 800 à 1.100 °C, et de pression de 1 GPa, comparables à celles qui caractérisent les enclaves des basaltes. Ces déformations épargnent parfois des reliques d'assemblages minéralogiques qui témoignent de températures (jusqu'à 1.400 °C) et de pressions (jusqu'à 6Gpa) beaucoup plus élevées, qui montrent que les massifs qui les contiennent sont issus de régions du manteau supérieur situées à plus de 185 km de profondeur.

La réorganisation (ou démixtion) d’un pyroxène initial de très haute température (1.400 °C), issu du massif des Beni Bousera, se traduit par une alternance de bandes jaunes (clinopyroxène) et grises (orthopyroxène). Image en lumière polarisée analysée d’une lame d’un centimètre de longueur. © Jacques Kornprobst
La réorganisation (ou démixtion) d’un pyroxène initial de très haute température (1.400 °C), issu du massif des Beni Bousera, se traduit par une alternance de bandes jaunes (clinopyroxène) et grises (orthopyroxène). Image en lumière polarisée analysée d’une lame d’un centimètre de longueur. © Jacques Kornprobst
La démixtion d’un pyroxène de haute température (1.400 °C) provenant du massif de Freychinède, en Ariège, se traduit par l’alternance de bandes noires (grenat) et orange (clinopyroxène). Image en lumière polarisée analysée d’une lame d’un centimètre de longueur. © Jacques Kornprobst
La démixtion d’un pyroxène de haute température (1.400 °C) provenant du massif de Freychinède, en Ariège, se traduit par l’alternance de bandes noires (grenat) et orange (clinopyroxène). Image en lumière polarisée analysée d’une lame d’un centimètre de longueur. © Jacques Kornprobst
Ce diamant du massif des Beni Bousera a été transformé en graphite en conservant sa forme octaédrique initiale. © D.Graham Pearson, université d’Alberta, Canada
Ce diamant du massif des Beni Bousera a été transformé en graphite en conservant sa forme octaédrique initiale. © D.Graham Pearson, université d’Alberta, Canada
Dans une péridotite d’Otroy, en Norvège, on observe la démixtion d’un grenat de très haute pression (majorite) en grenat et baguettes d’orthopyroxène. © Herman van Roermund, université d’Utrecht, Pays Bas
Dans une péridotite d’Otroy, en Norvège, on observe la démixtion d’un grenat de très haute pression (majorite) en grenat et baguettes d’orthopyroxène. © Herman van Roermund, université d’Utrecht, Pays Bas

Massifs de péridotites : mise en place par extension préalable

Le processus d'extension lithosphérique, et donc l'amincissement de la croûte et de la lithosphère, amène des unités mantelliques près de la surface. Ces dernières sont alors en bonne position pour être impliquées dans les charriages, lors des phases de compression lithosphérique. 

Ce schéma illustre les mécanismes de mise en place des massifs des Beni Bousera et de Ronda dans l’orogène bético-rifain. Une phase d’extension (en haut) permet à des unités profondes du manteau supérieur de s’approcher de la surface, par exhumation. Puis, une phase de raccourcissement (en bas) provoque le charriage de ces unités sur les zones plus externes. © D’après Jacques Kornprobst et Daniel Vielzeuf, 1984
Ce schéma illustre les mécanismes de mise en place des massifs des Beni Bousera et de Ronda dans l’orogène bético-rifain. Une phase d’extension (en haut) permet à des unités profondes du manteau supérieur de s’approcher de la surface, par exhumation. Puis, une phase de raccourcissement (en bas) provoque le charriage de ces unités sur les zones plus externes. © D’après Jacques Kornprobst et Daniel Vielzeuf, 1984
Les effets de l’extension peuvent être représentés par un modèle expérimental incluant un dispositif à quatre couches. De haut en bas, on distingue : la croûte supérieure fragile et la croûte inférieure ductile, le manteau supérieur fragile et le manteau supérieur ductile. © Jean-Pierre Brun et Marie-Odile Beslier, 1996
Les effets de l’extension peuvent être représentés par un modèle expérimental incluant un dispositif à quatre couches. De haut en bas, on distingue : la croûte supérieure fragile et la croûte inférieure ductile, le manteau supérieur fragile et le manteau supérieur ductile. © Jean-Pierre Brun et Marie-Odile Beslier, 1996

Une mise en place directe depuis des domaines profonds se traduit par une forte anomalie thermique dans la croûte, comme à Beni Bousera et à Ronda. Les effets d'une ascension en plusieurs épisodes sont moins marqués dans l'encaissant (lire au sujet des Pyrénées et d'Otroy, les écrits de Jacques Fabriès et Herman van Roermund).