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L'Atlantide et Gibraltar
Selon Platon (IVe siècle avant notre ère), l'histoire de l'Atlantide proviendrait des archives des prêtres égyptiens de la ville de Saïs. Dans le Timée, Platon insiste pour présenter le récit de l'engloutissement de l'Atlantide comme une histoire vraie. Le moraliste se sert ensuite de cet évènement pour développer une utopie de cité idéale.
Depuis deux mille ans, en l'absence de données archéologiques ou géologiques, les spéculations innombrables sur le mythe de l'Atlantide ne sont basées que sur le témoignage du philosophe grec. Après avoir débattu pendant des siècles du sérieux de l'information, la majorité des hellénistes traitent maintenant ce témoignage comme une affabulation (Vidal-Naquet, 2000). Il est vrai qu'aucune des localisations proposées par les partisans d'une Atlantide réelle ne correspond, ni en lieu ni en date, au propos du prêtre égyptien. Trop de divagations ésotériques ont par ailleurs, discrédité la recherche d'un ancrage dans une réalité géologique par ailleurs introuvable (Kukal, 1984).
L'Atlantide : utopie ou réalité ?
Au début de notre ère, le philosophe néo-platonicien Proclus énumère les hypothèses envisagées à son époque (Festugières, 1966). Totale utopie philosophique ? Fait réel ? Ou fait partiellement réel ? Faute d'arguments factuels, deux mille ans d'exégèse n'ont rien apporté de plus à l'analyse de Proclus, reprise, à la lettre, par Brisson dans son introduction au Critias (Brisson, 1999).
Dans ce dossier, nous évoquerons ici les deux positions les plus extrêmes avant d'aborder la position intermédiaire que la géologie pourrait maintenant confirmer. Pour Platon, l'Atlantide aurait disparu du fait d'un déluge qui se serait produit 9 000 ans avant notre ère. L'histoire géologique du détroit de Gibraltar vient confirmer ce fait. Il y a lieu de se demander si ce mythe de l'Atlantide n'est pas une réalité...
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Trois positions différentes
Si les deux premières positions sont à l'opposé, la troisième hypothèse est moins tranchante, on peut considérer l'existence de l'Atlantide avec suspicion dans le contexte archéologique.
Position 1 : Tout est imaginaire dans le récit de Platon
Partant d'une tradition, présentée comme authentique, Platon développe la fiction d'une République idéale, opposée victorieusement à un envahisseur atlantique. Comme un romancier qui, à partir d'un fait divers, construit son propos, le philosophe échafaude une fable moralisatrice. La complexe société atlantidienne du Critias, utopie transposée dans le passé d'une histoire présentée comme véritable, est de l'aveu même de son auteur, imaginaire.
« Les citoyens et la cité qu'hier vous nous avez représentés comme une fiction, nous les transposerons maintenant dans l'ordre du réel : nous supposerons qu'il s'agit de la cité que voici : les citoyens que vous aviez imaginés, nous dirons que ce sont ceux-ci, les vrais, nos ancêtres, ceux dont avait parlé le prêtre. Il y aura concordance complète, et nous n'errerons point si nous affirmons qu'ils sont bien ceux qui existèrent en ce temps-là. »
C'est aussi l'avis des érudits, familiers des textes grecs, qui y retrouvent, transposées et idéalisées, les cités-États contemporaines de Platon. La tendance actuelle chez ces spécialistes est encore plus radicale puisqu'elle généralise cette opinion à la totalité du récit. On refuse alors tout net, et a priori, l'évocation d'un évènement réel qui serait la source de l'histoire.
Il est vrai que toutes les « interprétations » proposées jusqu'ici sont délirantes. On trouvera un inventaire de ces productions littéraires où la science-fiction prétend remplacer la science dans un récent ouvrage sur ces « Atlantides imaginaires ». Romanciers de science-fiction et tenants de l'archéologie fantastique ont actuellement contribué à faire des propos du philosophe antique un mythe moderne toujours vivant, dont le grand public, plus familier de Walt Disney que de Platon, a bien souvent complètement oublié les sources !
Position 2 : Tout est réel dans le récit de Platon
En dehors du champ scientifique, mais s'en réclamant, certains vulgarisateurs, peu exigeants en matière de cohérence avec les données archéologiques et géologiques, évoquent un continent peuplé d'une civilisation très avancée, englouti quelque part entre l'Ancien et le Nouveau Monde.
Cette civilisation fantôme serait la source hypothétique mais affirmée, de toutes les grandes civilisations de l'Antiquité depuis l'Égypte jusqu'à la Mésoamérique.
L'homme dériverait ainsi d'ancêtres plus illustres que ceux découverts par l'archéologie « officielle ». La recherche de Pères originaires prestigieux (voire extraterrestres !) chez des auteurs réfractairesréfractaires à tout argument rationnel est une constante suffisamment claire et répétitive, pour renvoyer à des mécanismes psychopathologiques répandus.
Position 3 : Le récit de Platon pourrait être partiellement vrai
Exaspérés par les délires de l'« Atlantomanie » la plupart des hellénistes n'évoquent plus la possibilité d'une tradition fiable. Au VIe siècle après J.-C, Proclus n'exclut pourtant pas cette possibilité en interprétant le texte de Platon comme un mélange de réalité historique et d'allégorie. Pour étayer ce point de vue, Proclus cite Marcellus et son traité de géographie « sur les choses éthiopiques », (c'est-à-dire sur l'Afrique) : cette source confirmerait le témoignage de Platon en évoquant la tradition d'un archipelarchipel de sept îles englouties à la sortie des Colonnes d'Hercule.
Certains spécialistes des textes grecs, interviewés par la revue Science et Vie ne semblent pas aussi catégoriques que leurs collègues et ne refusent pas, sans arguments, la possibilité qu'il puisse y avoir un noyau de réel dans le mythe. De fait, faute de faits nouveaux à verser au dossier depuis deux mille ans, partisans et opposants d'une Atlantide réelle ne font qu'affirmer, plus ou moins violemment, des impressions personnelles...
La découverte d'une île engloutie à l'endroit et à la date indiquée par Platon serait évidemment un argument décisif pour étayer une position contraire aux idées actuellement dominantes. Avant la Seconde Guerre mondiale, on avait recherché cette Atlantide « abîmée dans la mer » en Amérique, aux Açores, aux Canaries, à Madère, en Islande, en Tunisie, en Suède, en Afrique occidentale, au Sahara, etc. La tentative la plus récente fut celle de l'archéologue grec Marinatos qui voulait assimiler l'Atlantide à la Crète dont la civilisation aurait été ruinée par l'explosion du Santorin.
Cette hypothèse est abandonnée : ni le lieu ni la date ne correspondent au texte de Platon. Par ailleurs, la corrélation entre la ruine de la civilisation crétoise et l'explosion du Santorin n'est plus aussi certaine ! Faute de trouver une île engloutie dans l'Atlantique, le géologuegéologue tchèque Kukal conclut, au terme d'un inventaire sérieux des possibilités, qu'il n'y a rien d'habitable dans l'Atlantique hormis la zone de Madère et des Açores.
Malheureusement, aucune de ces îles n'a été habitée à une époque suffisamment ancienne pour être candidate. La découverte de Madère et des Açores ne semble pas antérieure à l'époque romaine. L'occupation de l'Archipel des Canaries ne remonte pas à plus de 2 000 ans avant nous, et ces îles volcaniques aux flancs abrupts ne sont pas entourées de plateaux continentaux suffisamment larges pour cacher autre chose.
L'histoire géologique du détroit de Gibraltar
Curieusement, on a cherché des témoignages de cette île très loin dans l'Atlantique sans jamais évoquer le débouché immédiat du détroit de Gibraltar alors que Platon dit explicitement que l'île Atlantide se trouve : « devant les Colonnes d'Hercule ». Nos connaissances sur cette région ont bénéficié d'études géologiques récentes dans la perspective d'un projet de constructionconstruction d'un tunnel entre l'Afrique et l'Europe.
Par ailleurs, de récentes campagnes de prospection actualisent nos connaissances sur l'archéologie préhistorique de cette région clé encore peu connue. Les préhistoriens s'interrogent à nouveau sur les sites préhistoriques immergés des côtes marocaines et ibériques et sur les rapports, encore mal élucidés entre les deux continents au cours du Paléolithique supérieur. C'est à la suite de ces campagnes, sur une suggestion d'A. Bouzouggar que nous nous sommes intéressés au détroit de Gibraltar de la fin de la dernière glaciation.
La géographie du détroit de Gibraltar
Le paysage actuel du détroit de Gibraltar est, à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques, récent : c'est l'héritage direct du réchauffement climatiqueréchauffement climatique qui a succédé à la dernière glaciation. Le niveau de la mer est remonté de 135 mètres en l'espace de vingt mille ans en submergeant les plateaux continentaux entre 19000 BP (before present) et le début de notre ère. L'absence de surrection tectonique de grande amplitude pendant les derniers 20 000 ans a été vérifiée par les géologues espagnols. Il suffit donc, pour reconstituer la géographie du détroit de Gibraltar de l'époque glaciaire, de faire descendre par la pensée la mer de 135 mètres (Figure 1, ci-dessous). Cette profondeur est celle actuellement admise pour le niveau marin du dernier maximum glaciaire.
Au nord-ouest du Cap Spartel, un haut-fond (Banco Majuan ou Banc Spartel des cartes marines espagnoles, The Ridge des cartes marines anglaises), orienté NE-SO, formait alors une île (14 kilomètres de long sur 5 kilomètres de large). Son sommet culmine à -56 mètres (Fig. 1, n° 1). Cette île n'était pas isolée et faisait partie d'un archipel. Trois petits îlots constituaient autant de relais vers le continent ibérique (Fig. 1 : n° 2, n° 3, n° 4). La passe entre Méditerranée et Atlantique, très rétrécie par rapport à l'actuelle, était considérablement prolongée vers l'ouest par l'émersion des plateaux continentaux européens et africains. L'île du Cap Spartel faisait face à ce goulet élargi vers l'ouest en un havre protégé de la houlehoule de l'océan. Trois îles barraient l'accès au grand large (Fig. 1, n° 5, n° 6 et n° 7).
L'île du Cap Spartel était habitée
Au total ce paléodétroit du dernier maximum glaciaire (Fig. 1) se prolongeait par une mer intérieure baignant un monde insulaire. Ce sas vers l'océan Atlantique s'étendait sur 77 kilomètres d'ouest en est, et de 20 à 10 kilomètres du nord au sud. On peut raisonnablement supposer que cette île, située à 5-8 kilomètres des côtes était occupée par les populations paléolithiques dont la présence est abondamment attestée sur les littoraux marocains, espagnols et portugais.
La période d'émersion de l'archipel du Cap Spartel coïncide avec des remplacements majeurs de populations. En Afrique du Nord et sur le continent ibérique, le maximum glaciaire voit l'élimination des Homo sapiensHomo sapiens archaïques par les hommes modernes du Paléolithique supérieur. Ces populations se répandent rapidement sur les côtes africaines et européennes entre 18 000 et 9 000 ans avant notre ère avant de subir les contrecoups du réchauffement climatique et de la remontée de la mer sur leurs territoires insulaires et littoraux.
La fin du paléodétroit
Le réchauffement climatique qui met fin à la dernière glaciation s'accompagne d'une fonte accélérée des glaces polaires et d'une remontée saccadée du niveau marin (135 mètres au total en 10 000 ans).
Les étapes de cette « transgressiontransgression fini-glaciaire » sont bien connues grâce aux forages effectués ces vingt dernières années dans les récifs coralliens tropicaux (Barbade, Tahiti, Nouvelle-Guinée). Ces récifs sont d'excellents marqueurs de la position du niveau marin : la repousse corallienne accompagne la remontée de la mer. Constitués de carbonates, ces organismes sont parfaitement datables au carbone 14. Les courbes publiées sont cohérentes (Figure 2) et montrent les mêmes étapes dans la remontée de la mer. D'après ces données, la submersionsubmersion serait régulière en dehors d'au moins deux périodes de débâcles glaciaires accélérées où la remontée de la mer atteint quatre mètres par siècle (deux mètres dans une vie d'une cinquantaine d'années !). Des données récentes, sur l'estuaireestuaire du río Guadiana, (Algarve, côtes de la frontière hispano-portugaise) ont permis de confirmer localement ce scénario.
Analogie entre scénario scientifique et début du Timée ?
Au maximum glaciaire (19.000 avant le présent), la mer, à -130/-135 mètres, laisse totalement émergé l'archipel du Cap Spartel (Fig. 1). La remontée de la mer s'amorce ensuite pour atteindre le niveau des -100 mètres à 14000 avant le présent, période où elle s'accélère brutalement (Melt Water Pulse 1A). La mer remonte ensuite plus lentement jusqu'à la côte -55 mètres à 11300 avant le présent, date d'une nouvelle accélération (Melt Water Pulse 1B). Cette transgression accélérée submerge définitivement l'île du Cap Spartel (-56 mètres) et l'île Nord de la passe Ouest (Fig. 2-5), seuls témoins résiduels d'un archipel dont les autres îles (entre -80 mètres et -130 mètres) ont disparu lors de l'accélération de 14000 avant le présent (Fig. 2).
On voit donc disparaître un paysage sous la mer, 9 300 ans avant notre ère. À la façon d'un mythe moderne, la science raconte une histoire, mais cette histoire s'appuie sur des faits vérifiables. Chacun jugera de l'analogieanalogie du scénario scientifique et du noyau de l'histoire présentée par Platon « comme véritable » au début du Timée... S'agit-il des mêmes évènements ?
La réalité géologique cœur du mythe ?
Platon fait mention de l'Atlantide dans deux textes : le Timée et le Critias. Pour le philosophe grec, le point de départpoint de départ de son récit philosophique est une tradition orale d'évènements ayant eu lieu 9 000 ans avant notre ère selon les prêtres de la ville égyptienne de Saïs. Entre mythe et géologiegéologie, y a-tt-il une réalité ?
Timée : « En effet, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les colonnes d'Hercule ».
Géologie : À l'ouest du détroit de Gibraltar une mer intérieure précédait l'océan Atlantique. On pouvait facilement traverser cette mer pour atteindre les continents africains et européens. Une île, actuellement immergée faisait face aux « colonnes d'Hercule ».
Timée : « Car d'un côté, en dedans de ce détroit dont nous parlons, il semble qu'il n'y ait qu'un havre au goulet resserré et, de l'autre, au-dehors, il y a cette mer véritable et la terre qui l'entoure et que l'on peut appeler véritablement, au sens propre du terme, un continent. »
Géologie : Platon décrit parfaitement le détroit de la période glaciairepériode glaciaire. La passe Est se présente bien comme un couloir très étroit (« havre au goulet resserré »). La partie ouest forme une petite mer intérieure (77 km de long pour une largeur de 10 km à 20 km). Cette Méditerranée en miniature, sas avant l'océan Atlantique, était quasi fermée par l'émersion des plateaux continentaux européens et africains.
Timée : « Et les voyageurs de ce temps-là pouvaient passer de cette île sur les autres îles, et de ces îles, ils pouvaient gagner tout le continent, sur le rivage opposé de cette mer qui méritait vraiment son nom. »
Géologie : À partir de cette île, on pouvait passer sur les autres et gagner ensuite le continent au Nord ou au Sud après avoir traversé une mer quasi fermée (à l'ouest par une barrière d'île) de 77 km sur 20 km (mer « qui mérite vraiment son nom »). Proclus (Ve siècle de notre ère) cite pour sa part, un géographe, Marcellus et une dizaine d'îles disparues devant le détroit de Gibraltar.
Timée : « cette île était plus grande que la Libye et l'Asie réunies ».
Géologie : À première vue, la dimension donnée par Platon est sans commune mesure avec celle de l'île du Cap Spartel et des autres îles de l'archipel. On peut toutefois relever dans le Critias une indication contradictoire ou ce n'est plus la dimension de l'île Atlantide dont on parle mais celle de l'étendue du territoire des « atlantes » : « Non seulement étaient-ils maîtres de plusieurs autres îles dans la mer mais encore, comme il a été dit antérieurement, leur pouvoir s'étendait sur les régions qui se trouvent en deçà des colonnes d'Héraclès, jusqu'en Égypte et à la Tyrrhénie ». C'était aussi le cas des populations préhistoriques qui venaient d'envahir les côtes du Maghreb des Colonnes d'Hercule à la Tunisie pendant que leurs homologues européens se répandaient sur les côtes du continent européen jusqu'à la Tyrrhénie (et bien au-delà !). Peut-être, faut-il, aussi et plus simplement, supposer une certaine dérive, au cours de 9.000 ans de transmission orale ? L'a priori de Platon voulant magnifier la puissance qu'il oppose aux anciens grecs dans sa fiction n'est peut-être pas étranger à cette exagération.
Les commentateurs antiques ne semblaient pas prendre au sérieux les dimensions que Platon attribuait à l'île Atlantide. Proclus explicite pour nous ce point particulier : « Il faut ici se rappeler les principes fondamentaux de Platon sur la terre, à savoir qu'il n'en mesure pas la grandeur de la même manière que les mathématiciens, mais a estimé qu'elle a plus grande étendue, comme le dit Socrate dans le Phédon, et pose qu'il y a bien d'autres lieux de séjour à peu près égaux à notre terre habitée. C'est pourquoi il rapporte l'existence dans la mer extérieure, d'une île et d'un continent d'une telle ampleur... »
Timée : « C'est donc de vos concitoyens d'il y a neuf mille ans que je vais vous découvrir brièvement les lois. »
Géologie : Cette date (11.000 ans BP) coïncide exactement avec celle de la submersion des deux îles majeures de l'archipel du Cap Spartel. La mer atteint la côte -55 m vers 11 Ka BP : c'est, curieusement, la date exacte indiquée par Solon qui n'avait pourtant aucune connaissance des étapes de la remontée de la mer finiglaciaire ! Cette exactitude troublante est peut-être pure coïncidence, mais, il faut rappeler que, dans les sociétés sans écritures, le décompte des généalogies est très pratiqué avec des exemples de lignées apprises par cœur pendant plus de mille ans dans des sociétés africaines. Les Égyptiens enregistraient les évènements et les dynasties depuis plus de 3 000 ans. Ils pouvaient fort bien avoir enregistré les listes généalogiques des sociétés antérieures et accédé à une chronologie au moins approchée des évènements.
Timée : « Mais, dans le temps qui suivit, il y eut des tremblements de terre effroyables et des cataclysmes. Dans l'espace d'un seul jour et d'une nuit terribles, toute votre armée fut engloutie d'un seul coup sous la terre, et de même l'île Atlantide s'abîma dans la mer et disparut. Voilà pourquoi, aujourd'hui encore, cet océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l'obstacle des fonds vaseux et très bas que l'île, en s'engloutissant, a déposé. »
Géologie : En dehors de la certitude d'une submersion accélérée (quatre mètres par siècle) du paléodétroit et de son archipel, contemporaine du basculement vers les conditions interglaciaires actuelles, il n'est pas exclu que des phénomènes sismiques ou des raz-de-maréeraz-de-marée se soient produits dans la même fourchette temporelle comme le montrent les exemples historiques. Le séismeséisme du 1er novembre 1755 (intensité 10-11 sur l'échelle de Mercalli), dont l'épicentre était sous-marinsous-marin, a partiellement détruit la ville de Lisbonne et déclenché un raz-de-marée sur les côtes portugaises et marocaines. Les vagues de ce raz-de-marée ont atteint plus de six mètres à Lisbonne, plus de cinq mètres au Cap St Vicente (SO Portugal) et plus de 10 mètres tout au long du Golfe de Cadiz.
Au total, la géologie prouve la réalité d'une île engloutie 9.000 ans avant Platon devant le détroit de Gibraltar (les colonnes d'Hercule). Platon renvoie pour sa part à une tradition égyptienne d'engloutissement d'une île devant les Colonnes d'Hercule (le détroit de Gibraltar) : sauf coïncidence improbable il se pourrait bien que ces deux discours renvoient à une même réalité, celle de faits géologiques avérés et vérifiables transmis par la tradition orale...
Avant l'écriture : la tradition orale ?
La préhistoire des chasseurs-cueilleurs montre des conservatismes qui impliquent la transmission de traditions pendant des millénaires. L'art préhistorique européen reste, quasiment inchangé pendant plus de 20 000 ans.
Dans la grotte du Parpallo près de Valence (Espagne), Jean ClottesJean Clottes a relevé la récurrence de rites immuables pendant 10 000 ans (offrandes répétées avec 4 500 plaquettesplaquettes gravées ou peintes dans des couches allant du Gravettien au Magdalénien final). Comme le constate ce spécialiste de l'art pariétal : « ces comportements témoignent de façon indiscutable de la persistance de la même tradition religieuse sur dix millénaires ».
Au Canada, on a pu corréler des évènements géologiques (glissements de terrains, éruptions volcaniqueséruptions volcaniques, assèchements de lacs) aux mythes des Indiens Gitksans : Les évènements dont il est question ont eu lieu entre 6000 BP et 10000 BP. Les Indiens renvoient couramment à un temps avant ou après le déluge (Before the flood ou Soon after the flood) se référant au premier peuplement de leur territoire, libéré des glaces à la fin du PléistocènePléistocène et au début de l'HolocèneHolocène.
Un mythe devenu réalité
Plus près de nous, le récit d'Homère de la guerre de Troie a longtemps été considéré comme un mythe. Pourtant les archéologues sont actuellement unanimes à admettre son fondement historique. Des études géologiques récentes ont montré que la reconstitution paléogéographique des paysages s'ajuste exactement au récit homérique alors qu'il n'a qu'un lointain rapport avec la géographie actuelle.
Vers le VIIe siècle BC (Before Christ), la Bible transcrit des traditions orales, échos d'évènements historiques vérifiables et probablement des faits géologiques très anciens. Plus récemment, au IVe siècle BC, Platon écrit le Timée et le Critias. Leur auteur, grand voyageur, avait pris connaissance, en Égypte et en Sicile, de légendes et de faits historiques sur le bassin occidental de la Méditerranée et peut-être des régions océanes.
Une tradition orale millénaire
La grotte de Taforalt est un site majeur pour comprendre l'évolution des cultures préhistoriques du Paléolithique supérieur de l'Afrique du Nord. À des niveaux « Atériens » (industrie de type paléolithique moyen taillée par un homme moderne archaïque) qui semblent commencer vers -100000 succèdent abruptement vers 25000 BP (Before present) des niveaux « ibéromaurusiens » (industrie du Paléolithique supérieur à outillage microlithique associée à des hommes modernes). L'Ibéromaurusien se termine vers 10000 BP et évolue vers le Néolithique. Le site a fourni de nombreuses sépulturessépultures des hommes ibéromaurusiens et de nombreux renseignements sur leur mode de vie. Les fouilles dans ce site ont repris récemment. Ces hommes ibéromaurusiens ont vu l'émersion et la disparition des îles du détroit de Gibraltar.
Si l'ethnographie et la Préhistoire nous montrent l'efficacité de la tradition orale chez les peuples sans écritures et l'aptitude à transmettre sur des millénaires le souvenir d'évènements naturels catastrophiques, pourquoi refuserons-nous cette possibilité aux peuples antiques ?
Pourquoi une tradition de ce type n'aurait-elle pas pu parvenir aux premiers scribes égyptiens pour être ensuite transmise à Platon ? Peut-être faut-il croire le philosophe grec quand il affirme la véracité de son histoire ! Le cataclysme qui s'est bien déroulé à la date et au lieu indiqué suggère que l'information transmise était, peut-être fiable !
Conclusion du mythe platonicien
Dans le détroit de Gibraltar, l'histoire géologique de l'île du Cap Spartel et de son archipel s'ajuste à la tradition rapportée 9.000 ans après dans le Timée : lieu, date de submersion et géographie coïncident.
La transcriptiontranscription par les scribes égyptiens, après 5 000 ans de transmission orale, a pu être possible dès 4236 BC (Before Christ). Cette date est celle du premier calendrier basé sur le levé héliaque de SiriusSirius (astronomiquement daté) et celle du début de l'écriture hiéroglyphique.
Une île existait bien, 9.000 ans avant notre ère
Le « mythe » de l'Atlantide pourrait renvoyer, au moins en partie à des traditions orales, seuls témoins vers 9000 BC de l'écroulementécroulement d'un monde en plein apogéeapogée : celui des chasseurs de la fin du Paléolithique et de leur universunivers glaciaire. Il est vrai que la seule certitude est que l'histoire géologique réelle du détroit de Gibraltar raconte une « histoire vraie » proche de celle rapportée par Platon. S'agit-il d'une pure coïncidence ou touchons-nous ici à l'origine du mythe qui aurait hérité du savoir, plus ancien, de la tradition orale... La question reste ouverte !
La géologie constate en tout cas que, si l'on cherche une île habitée et son archipel, submergée 9 000 ans avant notre ère devant les « Colonnes d'Hercule », cette île existe bien ! C'est l'essentiel de l'argumentation de cet article qui pose le problème d'une coïncidence assez troublante, et jusqu'ici ignorée, pour reposer la question de l'origine du mythe platonicien...
Lire : L'Atlantide retrouvée
L'Atlantide retrouvée ? Dans un récit passionnant, l'auteur raconte comment il a retrouvé dans la mer du détroit de Gibraltar un archipel englouti 9 000 ans avant notre ère. Et comment il a découvert, à son grand étonnement, que l'âge et la localisation de ces îles sous-marines correspondaient exactement à ceux de la mythique Atlantide !
L'Atlantide retrouvée ? Le récit d'une légende
Jacques Collina-GirardJacques Collina-Girard revient dans ce livre, publié aux Éditions Belin en 2014, sur le récit de la légende de l'Atlantide, cité idéale des Atlantes selon Platon, mystérieusement disparue vers 9 000 ans avant J.-C. Il retrace l'histoire géologique du détroit de Gibraltar et détaille les évènements ayant entraîné la disparition d'un paysage sous la mer, suite au réchauffement climatique survenu à la fin de la dernière période glaciaire.
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Jacques Collina-Girard, géologue et préhistorien, est maître de conférencesmaître de conférences à l'université de Provence (Aix-Marseille I). Spécialiste de géologie sous-marine, il a participé à l'étude de la grotte Cosquer au large de Marseille. Il a obtenu la médaille de bronzebronze du CNRS.
Une découverte scientifique qui bat en brèche beaucoup d'interprétations délirantes sur l'histoire de l'Atlantide.
Bibliographie à propos de l'Atlantide
Une bibliographie pour en apprendre plus encore sur l'Atlantide, île mythique mentionnée par Platon dans le Timée et le Critias.
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