L'économie d'un million de litres d’eau par an et par personne pourrait être faite. Notre régime alimentaire est en effet très gourmand en eau virtuelle, celle utilisée pour la production de viande, céréales ou légumes. Pourquoi faisons-nous moins bien que nos voisins ?

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    Nous buvons environ 1,5 litre d'eau par jour. Mais en réalité, notre consommation est bien plus importante, si l'on prend en compte toute celle qu'il a fallu pour produire nos aliments (empreinte eau ou eau virtuelle)). Produire un kilogrammekilogramme de bœuf requiert ainsi plus de 15.000 litres d'eau, contre 4.000 litres pour un kilogramme de poulet ou 1.800 litres pour un kilogramme de blé, d'après une étude de l'Unesco

    Mais combien pourrions-nous exactement épargner de ressources en modifiant notre régime alimentaire ? Les auteurs d'une étude du Centre commun de recherche de la Commission européenne, publiée le 10 septembre dans Nature, ont calculé combien d'eau nécessite notre régime alimentaire dans trois pays européens : France, Allemagne et Grande-Bretagne. Au total, chaque Français utilise 3.861 litres d'eau par jour pour sa consommation alimentaire, un Allemand, 2.929 litres et un Anglais, 2.757 litres (par comparaison, un Américain engloutit 7.800 litres par jour).

    Chaque Français utilise entre 3.303 et 5.149 litres d'eau par jour pour sa nourriture. © EU 2018

    Chaque Français utilise entre 3.303 et 5.149 litres d'eau par jour pour sa nourriture. © EU 2018

    Si les Français sont aussi mauvais élèves, c'est qu'ils mangent plus de viande que leurs voisins, et surtout plus de bœuf et de gibier, à l'empreinte eau très élevée. Chaque Français nécessite ainsi 1.639 litres d'eau par jour pour sa consommation de viande, contre 1.037 litres d'eau pour un Anglais et 936 litres pour un Allemand. De même, les Français sont desservis par leur goût pour... le vin. Ce dernier nécessite plus d'eau pour sa production que la bière, boisson favorite des Anglais et des Allemands.

    D'énormes écarts en fonction des caractéristiques démographiques

    Les différences observées entre les pays et les régions résultent de plusieurs facteurs : d'une part, le mode de vie et la composition socio-économique de la population (la consommation de lait est, par exemple, plus importante parmi les enfants et les personnes à hauts revenus mangent plus de fruits et légumes) et d'autre part le mode de production de nourriture (plus ou moins d'importations, climat, type de culture...). Ce qui veut dire que pour un même aliment - le blé, par exemple -, un Anglais engendrera la consommation de 412 litres d'eau par kilogramme contre 582 litres pour un Français et 599 litres pour un Allemand. On observe aussi de très gros écarts au niveau régional : dans le sud-ouest de la France, où l'on consomme beaucoup d'huile, de viande et de vin, l'empreinte eau est particulièrement élevée (jusqu'à 5.149 litres par habitant et par jour).

    Le potentiel de réduction de la quantité d’eau utilisée dans nos aliments en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France, ajusté selon les paramètres démographiques et socio-économiques. © EU 2018

    Le potentiel de réduction de la quantité d’eau utilisée dans nos aliments en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France, ajusté selon les paramètres démographiques et socio-économiques. © EU 2018

    Passer à un régime plus sain, un pari gagnant-gagnant pour la santé et l’environnement

    Les chercheurs se sont ensuite penchés sur l'eau que nous pourrions économiser en changeant nos habitudes alimentaires. Ils ont pour cela étudié trois scénarios : le premier avec un régime diversifié « sain » (suivant strictement les recommandations nutritionnelles européennes), un régime pesco-végétarien (sans viande mais avec poisson) et un troisième avec un régime ovo-lacto-végétarienovo-lacto-végétarien (sans viande ni poisson). Sans surprise, les deux régimes végétariens sont ceux qui économisent le plus d'eau : 33 % à 55 % en moins, alors que le régime diversifié « sain » n'en épargne que 11 % à 35 %. Si chaque Français passait au régime végétarien, jusqu'à 2.770 litres par personne et par jour pourraient ainsi être économisés chaque année, soit plus d'un million de litres par an.

    Sur la base de leurs résultats, les chercheurs recommandent des initiatives politiques pour encourager une meilleure alimentation, une réduction des importations de nourriture, qui génèrent une empreinte eau plus élevée, ou encore un changement des modes de production pour une agricultureagriculture plus sobre en eau. « Améliorer l'alimentation des citoyens est un pari gagnant-gagnant à la fois pour la santé et l'environnement », assure Davy Vanham, du Centre commun de recherche et principal auteur de l'étude.